Après les pluies de la semaine, pour le week-end le ciel cannois s'est montré plus clément et plus généreux. Cela a favorisé la mobilité des festivaliers, arrangé les affaires des photographes et surtout égayé les aficionados de la montée des marches ! Entre-temps, les stars se succèdent, les événements se multiplient et les soirées se font de plus en plus tard. Toutefois, les regards restent tournés vers la compétition officielle. En parlant de compétition, deux grands films ont marqué ce début de week-end : il s'agit des films français un Prophète de Jacques Audiard, et le taiwanais Taking Woodstock d'Ang Lee. Avec le premier qui raconte la naissance et l'ascension d'un caïd dans une prison française, la France est entrée en lice d'une manière fracassante et avec beaucoup d'ambitions. Le scénario, écrit d'après une idée originale du scénariste du film Mesrine de Jean- François Richet, Raouf Dafri, tourne autour de Malik El Djebena, analphabète et orphelin, qui est condamné à 6 ans de prison à l'âge de 18 ans. Lors de son séjour carcéral, il se voit confier des missions par une bande de parrains corses au fil desquels le jeune homme s'endurcit et monte vite sa propre affaire. On ne peut parler de ce film sans penser à Gomorra de l'Italien Matteo Garrone, Grand Prix du festival de Cannes 2008, à l'instar de quoi, un Prophète plonge La Croisette dans la violence des milieux mafieux corses. À la différence du premier, cela n'est que prétexte pour le deuxième puisque son intérêt se situe ailleurs. “Je n'ai pas voulu me lancer dans une analyse culturelle et sociologique du milieu corse. Ce qui m'intéressait, c'est qu'il s'agisse d'un milieu mafieux socialement constitué et très présent dans le milieu carcéral.” Et d'ajouter : “Il aurait tout aussi bien pu s'agir de Serbes ou de Basques. Ce qui m'intéressait vraiment, c'est qu'on traite d'une entité assez close, difficile à pénétrer”, explique le réalisateur. En tout cas, une chose est sûre, ce film a réussi à capter l'attention des festivaliers, et ce, non seulement pour la thématique abordée qui se résume à la naissance et à l'ascension inévitable dans un milieu carcéral d'un caïd-prophète annonçant un nouveau type de crime, mais surtout par une réalisation bien attrayante, un réalisme non dénué d'émotion, une mise en scène crédible et surtout une remarquable prestation de Tahar Rahim ; un comédien jusque-là inconnu que la presse française présente déjà comme un sérieux candidat au prix de la meilleure interprétation masculine. Loin du rythme haletant et de l'ambiance stressante répandue par le film noir du Français, le Taïwanais Ang Lee a semé quelques notes joyeuses et comiques dans les têtes des festivaliers avec la désopilante comédie Taking Woodstock, qui évoque les coulisses de l'organisation du fameux festival américain de musique élevé au rang de lieu de pèlerinage des hippies. Tout au long du film, l'ambiance est planante et colorée. Deux mondes s'affrontent dans le film : celui de l'insouciance des hippies et celui de la crainte et de l'avarice des parents du personnage principale Tiber Elliot. Ce dernier, jeune, homosexuel et coincé, est partagé entre New York et le bled de White Lake où ses parents tiennent un motel peu fréquenté. Le jeune finit par se montrer très sensible au premier en s'appropriant le slogan “Sexe, drogue et rock'n'roll”. Mais bien d'autres émotions sont promises…