S'il a choisi un chemin parsemé de notes musicales, il n'a pas oublié pour autant que chanter n'est pas la seule alternative à opposer à la culture de l'oubli. C'est assurément pour cette raison qu'il a repris le témoin de cheikh Mahieddine Lakehal et de Abderrahmane Belhocine pour veiller à son tour à la transmission du témoin. S'il est l'enfant adulé de la société citadine d'Alger et des autres lieux de mémoire emblématiques de ce merveilleux pays, sa voix cristalline vous transporte et fait resplendir les céans les plus tristes. Depuis l'Association de musique classique algéroise El Hayat, créée à l'initiative du Mouloudia Club d'Alger, il ne cesse d'étonner tant par son art que par son insondable humilité. Qui ne se souvient pas de l'éclatant succès remporté en 1995 en terre américaine, plus exactement à New York et à Washington, par l'un des plus grands chantres de la musique classique algéroise ? La chaleur et la ferveur avec lesquelles le New York Times avait accueilli le concert de Mohammed Kheznadji, rapporte la télévision algérienne, traduit on ne peut mieux les nouvelles qui nous parvenaient toutes frémissantes encore des enthousiasmes d'un public particulièrement heureux de découvrir quelques fragments des siècles d'or de l'Andalousie arabe, berbère et vandale. Témoignant si besoin est de la richesse et de la magnificence d'un patrimoine qui renoue à chaque concert avec ses époques de gloire, le somptueux hommage que lui a rendu la semaine dernière l'Etablissement Arts et Culture et la presse algérienne est loin d'être usurpé. Il ne fait que conforter l'admiration que lui vouent de nombreux mélomanes dans les nombreux pays où il eut à se produire parmi lesquels le Maroc, la France, la Belgique, l'Italie, la Hollande, la Tunisie où les médias locaux ont admiré son passage rapide de la note la plus élevée dans les aigus à des degrés qui vont de la tierce à l'octave inférieure. Né en mai 1929 à la Casbah d'Alger, à l'image des grands maîtres que compte le patrimoine classique algérois, il a constamment baigné dans un milieu familial où la musique occupe une place de choix. Dans un milieu citadin très au fait de la richesse et des subtilités d'une muse tantôt adulée, tantôt décriée à l'instigation de contingences imposées à la réalité concrètes par des dissonances à l'honneur dans une société sempiternellement appelée, à chaque impasse politique et sociale, à se replier sur elle-même avec l'espoir de se préserver. C'est justement dans un milieu familial, où la musique fait partie de l'air que les citadins respire, qu'il se forgera une personnalité marquante. Une détermination surtout, qui lui fera vite entrevoir une kyrielle de possibilités allant de l'apprentissage à l'épanouissement artistique et culturel. Une vocation merveilleusement irriguée par des parents dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils auront réussi à lui inculquer le sens du beau, la noblesse et la délicatesse des sentiments. Du reste, la dimension mystique à l'honneur à la Casbah d'Alger y avait grandement contribué. Porté par une ferveur nationaliste et un penchant insondable pour l'illumination soudaine et la voie soufie, le Vieil Alger connaissait des moments fastes grâce à des personnalités marquantes à l'image de cheikh Abdelhalim Bensmaïa, à des espaces emblématiques comme Nadi Et Taraqi, créé par la bourgeoisie citadine algéroise sans oublier le mausolée de Sidi Abderrahmane at-Thaâlibi où le chant religieux et les mouloudiate faisaient le bonheur des vieilles familles de la médina.