À l'initiative du bureau du RCD de Béjaïa, une journée d'étude se tiendra, aujourd'hui, dans la ville des Hammadites sous le thème de la défiscalisation en Kabylie, une région où les industriels et les commerçants ont subi des pertes ou accusé des manques à gagner des suites des tensions générées par l'affrontement entre le mouvement citoyen et le pouvoir. Des figures politiques et des chefs d'entreprise prendront part aux débats. Parmi les participants, M. Idir Hocine, un opérateur économique qui intervient dans deux domaines : les matériaux de construction et le matériel informatique. Il est, depuis juin 2000, président de la Chambre de commerce et d'industrie Soummam, qui regroupe trois wilayas, Béjaïa, Sétif et Bordj Bou-Arréridj. Dans l'entretien qu'il a bien voulu accorder à Liberté, il aborde la situation socio-économique en Kabylie. Une situation qui exige, selon lui, que l'on envisage la défiscalisation pour aider les opérateurs à supporter les effets de la crise et promouvoir les investissements dans la région. Liberté : On dit que les commerçants et autres opérateurs économiques de la Kabylie souffrent le martyre, et ce, depuis le déclenchement, en avril 2001, des évènements dits du Printemps noir. Pouvez-vous nous faire un état des lieux sur la situation économique dans votre région ? ll M. Idir Hocine : C'est vrai que toute la Kabylie a souffert pendant les évènements tragiques de ces deux dernières années, mais je pense que l'activité économique commence à reprendre son essor dans la région. Ceci dit, en dépit des difficultés tant administratives que conjoncturelles que connaît la Kabylie, aucun opérateur économique n'a osé fuir sa région. D'ailleurs, à la question de l'un de vos confrères, ils se sont interdit de quantifier leur déficit en répondant : “Que valent des pertes matérielles devant des pertes humaines qui demeurent inestimables ?” Mais certaines indiscrétions laissent entendre qu'il y aurait même des investisseurs de la région qui ont procédé à la délocalisation de leur projet pour l'implanter ailleurs. Qu'en est-il réellement ? ll Personnellement, je ne connais pas un opérateur économique qui a procédé à la délocalisation de son projet. Par contre, il y a ceux qui ont opté pour l'extension de leur champ d'activités, en créant des unités ou des succursales au niveau d'autres régions du pays, et ce, afin de donner un nouvel élan à leurs activités et permettre une meilleure distribution de leurs produits. Contrairement à ce que colportent ces rumeurs qui visent à dissuader tout éventuel investisseur étranger dans la région, la wilaya de Béjaïa, à elle seule, compte quelque 22 exportateurs de différents produits (agroalimentaire, liège, métallurgie…). Cela est d'un apport considérable pour l'économie de notre région. Vos devriez animer aujourd'hui une conférence sur la défiscalisation et la relance économique pour le compte du colloque organisé par le RCD de Béjaïa. Comment concevez-vous cette idée de défiscalisation ? ll La défiscalisation est un ensemble d'avantages fiscaux et de facilitations administratives que l'Etat doit apporter à l'investissement dans la région. À titre d'exemple, l'Etat peut faciliter l'accès au foncier, accorder une exonération de différentes taxes pour encourager l'investissement productif, faire bénéficier la région des avantages, tels que la création de pépinières d'entreprises, intégrer la région dans la nouvelle liste des zones à promouvoir… Cette mesure s'impose d'ailleurs d'elle-même eu égard à la situation exceptionnelle qu'a endurée notre région (séisme, inondations, évènements de Kabylie). Pouvez-vous nous préciser en quoi consiste une “pépinière d'entreprises” ? ll Cela consiste en une zone de création et d'accompagnement de jeunes entreprises pendant une période ne pouvant excéder 30 mois. Pendant ce temps, l'Etat, par l'intermédiaire des collectivités locales et autres institutions publiques locales, apporte toute l'aide nécessaire en matière de logistique, finances, formation managériale pour l'entrepreneur de manière à lui permettre, au terme de ce délai, de pouvoir se prendre en charge et de constituer sa propre PME. L'entrepreneur requis peut être un porteur de projet rentable, un chercheur universitaire voulant mettre en application le fruit de sa recherche. Cette politique de “pépinière d'entreprises” a permis un développement appréciable dans la PME et PMI dans des pays comme l'Italie, la France et même chez nos voisins tunisiens qui ont saisi l'opportunité d'une telle expérience. D'ailleurs, un dispositif relatif à ce concept de “pépinière d'entreprises” existe déjà au niveau du ministère de la PME-PMI. D'après-vous, la défiscalisation, à elle seule, pourra-t-elle suffire pour une véritable relance économique dans la région ? ll Je pense que la défiscalisation, à elle seule, ne suffit pas pour un développement durable. Car, si la culture entrepreneuriale fait encore défaut, celle de la rente facile est bien ancrée et risque de prendre le dessus. En effet, la défiscalisation comme levier d'une relance économique peut être considérée comme un assistanat de l'Etat et, de ce fait, anéantirait toute relance économique viable. Aussi, faudrait-il s'assurer du choix d'investissements productifs, de secteurs d'activités réellement porteurs et générateurs de valeur ajoutée et également de l'existence d'un environnement (infrastructures de base) adéquat pour la concrétisation de ces investissements. K. O.