La construction de un million de logements en 5 ans figure parmi l'une des promesses phare du président de la République Abdelaziz Bouteflika. Si face à la pénurie de logements, cette mesure semble indispensable, la réalité du terrain montre que ce chantier est conduit dans bien des cas sans respect des règles de construction. Abdelhamid Boudaoud, le président du Collège national des architectes tire la sonnette d'alarme sur le manque de stratégie à propos de la construction de un million de logements : “Entre architectes, les maîtres d'ouvrage et les présidents d'APC, il existe un déficit de communication et de stratégie. Nous, les architectes, nous sommes les coordinateurs du projet. À propos de la construction des logements, c'est nous qui devons élaborer le planning, le carnet du chantier. Par la suite, c'est aux entreprises de suivre à partir de nos recommandations. Seulement, cela n'arrive que très rarement. Chacune n'y voit que son intérêt et c'est la pratique du chacun pour soi”, regrette-t-il. Ce problème de stratégie et de communication entraîne bien évidemment des retards sur les chantiers. Pis encore, il semblerait que dans nombre de chantiers, les recommandations des architectes ne soient pas prises en compte : “On ferme les yeux sur des problèmes, sur les terrains. Si dans une APC, le plan du gouvernement prévoit de construire 300 logements par exemple, on prend un terrain vacant et les logements sont construits. Personne ne prête attention, si c'est une terre agricole ou si sur ce terrain, une telle construction est possible. Personne ne tient compte de l'environnement. Pour les architectes, il est fréquent qu'on exige d'eux que le planning soit établi en quelques mois alors qu'il faut généralement une année. Du coup, les architectes désignés sur ces chantiers sont souvent les plus dociles, ceux qui sont peu regardants sur les anomalies. Ils font du “copier coller” sur des chantiers précédents”, constate Abdelhamid Boudaoud. Pour cet architecte, outre la construction de un million de logements, il est également impératif de se pencher sur l'achèvement de la construction des logements inachevés et la réhabilitation du vieux bâti devenu insalubre au fil du temps : “Je pense que chaque APC, d'ici les cinq prochaines années, devrait réduire de 20% les logements inachevés et insalubres. Avant tout, les présidents d'APC doivent faire un état des lieux sur le nombre exact de ces logements”. Pour le président du Collège national des architectes, le manque de stratégie et de communication aggrave la crise du ciment : “Une fois de plus, si on suivait à la lettre, le plan établi par l'architecte, il serait plus facile de prévoir la consommation nécessaire pour le ciment, de donner parrallèlement exactement la tonne de ciment utile. Il convient de rappeler que l'Algérie produit 18 millions de tonnes de ciment, soit une consommation de 573 kilos par habitant. Une production suffisante sans les gros bonnets qui ont la main mise sur le marché”, précise-t-il. Une prise de conscience ainsi que des solutions sont attendues, juge Abdelhamid Boudaoud, sans quoi il estime que l'Algérie restera un chantier pour une durée indéterminée. Emilie Marche