Les voyageurs, eux, sont livrés à eux-mêmes et aux aléas de la nuit. Aux quais, il n'y a plus aucun autocar en partance pour Oran ou Relizane, les destinations les plus sollicitées. Les derniers véhicules viennent déverser leurs flots de passagers et repartent… à vide vers le garage. Au minimum, ils sont une quinzaine d'énergumènes à “gérer” dans une grande pagaille, et avec zèle, le flux massif de passagers transitant par cette gare routière livrée à l'anarchie. C'est une véritable “meute” dont le nombre d'éléments n'a jamais été aussi impressionnant. Les rabatteurs de voyageurs dont il s'agit animent nombre de gares routières du pays, mais ceux de Mostaganem se distinguent par la “loi” qu'ils imposent en véritables maîtres du lieu. “Mais où est l'Etat ? Y a-t-il une autorité en cette wilaya et en cette ville qui évolue en jungle, au sein de laquelle, à chaque coin de rue, l'on a affaire à des énergumènes parachutés d'on ne sait d'où ?” se demandent nombre d'usagers du transport en commun, se sentant humiliés au plus haut point. Notamment lorsque ces derniers leur exigent la descente du car, s'ils déclarent une destination intermédiaire et non finale sur la grande ligne desservie. Parfois de connivence avec le receveur, parfois de leur propre gré, ils trient sur le volet les voyageurs. Selon le nombre des “collègues” devanciers, mais surtout selon la “gentillesse” quant au laisser-faire des receveurs d'autocars auxquels ils se substituent, ils accaparent les quais et les destinations desservies. À cent dinars perçus par bus et par rotation, pour un service éperdument inutile. “Nous ne sommes pas obligés de solliciter leurs services pour attirer les passagers, seulement il faudrait s'attendre au chantage imposé. Ils s'empressent d'arracher les voyageurs bien loin des quais. Ils les détournent ou ils les accompagnent jusqu'à la portière de l'autocar, comme étant leurs voyageurs”, nous confie un jeune receveur. À la différence de ceux qui nous avons vu sévir ailleurs, ces rabatteurs de Mostaganem se permettent le rapport direct avec l'usager, en vue de l'orienter, de le retenir pour attendre tel car, et l'empêcher de monter dans tel autre, ou de le questionner dans quelle direction il désire partir ! Comble de zèle et du laisser-aller flagrant qui caractérise le secteur du transport à Mostaganem, ils ont fini par considérer les agents de l'ordre public affectés dans la gare routière comme des “collègues”. Preuve en est leur promptitude à vous déclarer qu'ils sont capables de vous montrer, voire vous ramener les policiers jusque devant vous, s'ils remarquent votre désir manifeste de vous plaindre à leur sujet ! De par l'indifférence de l'autorité publique, quiconque, jeune en mal d'argent de poche, trouve en cette infrastructure de transport public le bon refuge pour noyer son ennui d'oisif, tout en rackettant les opérateurs. Un racket substantiel, sans labeur, sans contrainte horaire ni d'assiduité dans la besogne. À partir de 12h-13h, la journée grassement gagnée, les uns après les autres, les rabatteurs entament la “dissolution” dans la foule. 16 h tapantes, la gare routière met le cap sur sa torpeur de fin d'après-midi. Une heure plus tard, alors que le soleil est encore bien haut dans le ciel, c'est le désert qui s'installe. Plus aucun autocar n'ose annoncer un départ. Et pour cause ! La recette du jour étant réalisée, les transporteurs, leurs substituts, ou leurs employés rentrent chez eux. Les voyageurs, eux, sont livrés à eux-mêmes et aux aléas de la nuit. Aux quais, il n'y a plus aucun autocar en partance pour Oran ou Relizane, les destinations les plus sollicitées. Les derniers véhicules viennent déverser leurs flots de passagers et repartent… à vide vers le garage. Parmi ces derniers, les citadins reprennent aussitôt taxis et autobus du transport urbain pour rentrer chez eux. Pour les autres voyageurs, contraints au transit en vue d'une hypothétique correspondance à destination des villes de Relizane, Oran, Mascara ou des agglomérations sises sur leurs axes, c'est plutôt l'expectative. Incrédules et hébétés, ils sont là à s'interroger les uns les autres au sujet d'un quelconque moyen de transport aléatoire qui leur permettrait de poursuivre leur trajet. Comme il n'y a plus d'autocars, à moins de se résigner à passer la nuit à la belle étoile, parmi les SDF, les délinquants et les soulards, qui “peuplent” le jardin en déshérence limitrophe, le recours à la débrouille est inéluctable. Ainsi s'achève la journée de travail pour les autres “employés permanents” de la gare, les mendiants professionnels et les harcelants revendeurs de friandises, en l'occurrence. Il y a bien longtemps que le créneau du transport de voyageurs a été livré à lui-même et aux opérateurs privés. Attirés par l'appât du gain facile et assuré, perçu et apprécié au jour le jour, fellahs, fonctionnaires à la retraite et autres opportunistes, n'ayant aucune notion du professionnalisme et totalement étrangers au métier de transporteurs, ont investi le créneau. Les logiques de l'opérateur qui cherche à rentabiliser au plus vite et au maximum, son investissement et de l'usager qui sollicite le service dans les directions et aux heures qui l'arrangent ne concordent jamais ou presque. Les pouvoirs publics, la direction des transports de la wilaya en l'occurrence, prétendent manquer de moyens matériels et surtout humains, pour discipliner la corporation. Quant à l'APC qui a également une grande part de responsabilité dans l'organisation du service, c'est à peine qu'elle paraisse capable de s'acquitter de la tâche du nettoiement au sein et dans les parages de la structure. “La faute incombe plutôt aux usagers !” nous lance un voyageur dont la colère manifeste est amplifiée par la canicule et les encombrants bagages qu'il trimbale. Selon lui, aucun usager du transport de voyageurs n'ose porter plainte. Effectivement, rares sont les requêtes qui signalent les dépassements des opérateurs et de la foule de “parasites” qu'ils entretiennent. On rouspète, on grogne en sourdine mais jamais on n'ose aller au-delà. Le contrôle demeure du ressort exclusif des inspecteurs du transport, pense-t-on généralement ! Hélas ! M. O. T.