La lenteur des formalités, surtout pour les véhicules, reste l'une des facettes noires de ce débarquement. Il est 19 heures trente. Béjaïa achève une journée assez remplie. Au port, on distingue une activité fébrile. Tous les employés sont là; prêts à recevoir les milliers de voyageurs à bord du Scotia Prince. La brise marine se fait présente comme pour nous accueillir pour une douce soirée. A l'entrée du port, un policier nous reçoit avec le sourire. Formalités remplies, il nous fait accompagner d'un inspecteur qui fera office de guide du jour. Poliment, on est invités à fouler le sol du port, une sorte de large surface séparée par des barrières. A l'entrée du bassin, une masse blanche tente difficilement de trouver sa place. «C'est le Scotia Prince qui fait escale pour la première fois à Béjaïa», indique notre guide. Il a été affrété récemment par la Cnan pour renforcer sa flotte pendant la saison estivale, apprendrons-nous par la suite. Tel un géant blanc, le Scotia s'arrime, offrant un spectacle à ne pas rater pour des centaines de jeunes stationnés sur le balcon de la place Gueydon et tout le Front de mer faisant face au port. Partir loin semble toujours fasciner les jeunes. Et quel meilleur moyen que le bateau. Tout près de nous, l'équipe de la DDD (Direction des domaines de développement) s'affairait à étaler le tapis de désinfection sur le passage des véhicules. «Il faut faire vite», ordonne le chef qui commence déjà à arroser le tapis de désinfectant Tamiflu. Départ de course Le dispositif de lutte contre la grippe aviaire n'est pas encore levé à Béjaïa. Ce qui n'est pas sans retarder un peu l'opération de débarquement. 20h45, l'imposant paquebot d'Algérie ferries a fini de se garer. A son bord 899 passagers, dont certains sont debout sur les ponts supérieurs donnant l'impression d'être pressés de descendre. «Eh oui, quand on est près des siens les dernières minutes sont pleines d'impatience», fait remarquer notre accompagnateur. Pendant ce temps, le Scotia ouvre grand la porte de sa soute pour donner le spectacle d'un départ de course. Les moteurs des 208 véhicules à son bord ronronnent déjà. Les phares allumés, tous attendent le signal du départ. Un départ vers la terre natale pour un congé bien mérité que tous souhaitent des plus agréables. Les premiers à terre seront les premiers à accomplir les formalités toujours aussi épuisantes malgré une nette amélioration. Tout au long du passage menant vers les garages, des douaniers remettent des formulaires à remplir. «Nous allons avoir beaucoup de retard», note notre accompagnateur, qui explique qu'«habituellement ces documents sont remplis dans le bateau». Ce qui permettait, il est clair, un gain de temps considérable. Alors que les véhicules commençaient déjà à débarquer, quelques problèmes se posent du côté de la passerelle qu'on a du mal à arrimer. Le secteur alimentant les moteurs étant coupé, on a dû recourir aux moyens du bord pour arriver à constituer ce pont sans lequel personne ne pourra mettre pied à terre. A moins de passer par les garages. C'est d'ailleurs ce qu'ont fait certains voyageurs, les plus malins soit-il dit en passant car le qualificatif «de privilégiés» qui nous a été soufflé s'est avéré faux, comme l'affirme cette dame «Ce sont eux qui nous ont invités à passer par les garages car la passerelle ne s'arrimait pas», répond-elle à la question de savoir pourquoi avoir utilisé les voies du garage pour quitter le bateau. Sur ce, nous nous rendîmes vers la gare maritime. Hormis le long passage qui y mène et qui nécessite d'être couvert, les autres commodités existent bel et bien, avons-nous remarqué..Aujourd'hui, le minimum est offert aux passagers. Des aires couvertes, ombragées et équipées de bancs, de fontaines fraîches, sont mises à leur disposition en attendant la fin des formalités. Des blocs sanitaires sont aménagés à l'extérieur avec disponibilité permanente de l'eau et un gardien qui prend soin de les nettoyer. Quelle que soit la chaleur du jour, le voyageur ne la sentira plus dès qu'il entre dans la gare maritime, un lieu climatisé, avec cafétéria, free-shop, boutiques et qui respire la propreté, rendue possible là aussi par l'abondance de l'eau H24. Là, les premiers voyageurs ayant accompli les formalités de contrôle de police peuvent se reposer en attendant l'étape suivante des douanes. Tous sont unanimes à reconnaître les efforts consentis. Une dame d'El Kseur, 50 ans, qui s'est empressée de mettre la robe kabyle était là avec ses enfants à prendre des rafraîchissement. «Avant, cela n'existait pas», fait-elle remarquer avant de dénoncer l'abandon que les voyageurs ont dû subir à Marseille. «Nous avons souffert des heures avant d'embarquer», souligne-t-elle. A son fils de renchérir: «Ils ont même profité pour nous vendre des sandwichs à 3 euros 50 centimes». En effet, le paquebot, qui vient d'accoster, devait prendre la mer à 19 heures la veille, souligne notre guide. Dans la salle et les couloirs, les policiers, les douaniers, sourire aux lèvres veillaient au grain répondant à toutes sollicitations des passagers visiblement fatigués. «On ne sait pas ce qui se passe?», s'interroge un homme à l'apparence pressé de sortir car il doit se rendre à Jijel. «La fouille n'est pas systématique» La lenteur des formalités, surtout pour les véhicules, reste l'une des facettes noires de ce débarquement bien que l'EPB a eu l'intelligence de recruter des écrivains publics pour venir en aide aux voyageurs ne sachant pas écrire. «Je suis là à chaque arrivée», répond un jeune, qui circulait entre les voitures en file indienne offrant ses services à qui le souhaitait moyennant un pourboire. Muni d'un badge, il s'acquitte avec une rapidité déconcertante de la tâche de remplir les formulaires obligatoires. C'est aussi l'une des nouveautés de l'EPB qui mérite d'être signalée tant elle facilite la chose aux policiers et douaniers mais aussi aux passagers. «C'est extraordinaire», commente cet émigré, de l'ancienne génération. «Aujourd'hui, je n'ai même pas besoin de supplier quelqu'un pour remplir mes fiches», ajoute-t-il. L'espace couvert réservé au contrôle de véhicules est assez spacieux. Il y a en fait deux garages. Après un premier ciblage, un ticket vert ou rouge est remis à chaque propriétaire de véhicule. Ce ticket indique en fait le couloir à prendre. Le ciblage se fait suivant des critères, nous explique un douanier. «Un véhicule transportant des familles avec des enfants ou des handicapés est épargné de la fouille». «Ce n'est pas systématique!», précise-t-il cependant, car «l'expression du visage peut conduire à la fouille», dit-il encore comme exemple. C'est en fait suivant des techniques que seuls les douaniers connaissent. A cette étape, les choses se passent relativement bien. Nous avons assisté à la saisie temporaire d'un lot de cassettes vidéo. «Nous allons les visionner d'abord avant de les remettre à leurs propriétaires», souligne le douanier qui relève que c'est là une procédure normale. Un bon est remis sur le champ au passager l'invitant à repasser dans les plus brefs délais pour récupérer sa marchandise. Il est 23 heures, soit trois heures après le début du débarquement. La lenteur de la procédure provoque déjà des remous. L'impatience se fait sentir. Le Scotia Prince a déjà quitté le port à destination de Marseille avec, à son bord, une cinquantaine de véhicules et quelques centaines de passagers dont les vacances viennent de s'achever. Ils repartent pour une autre année de labeur avant de retrouver de nouveau leur pays natal. C'est la routine annuelle. Dans les garages, la fouille et le contrôle des véhicules s'accélèrent sous les ordres de l'inspecteur général des douanes de Béjaïa pour «liquider» les passagers restants. Dehors, les parents s'impatientent de voir leurs fils et époux de retour au pays. Quelques heures au port de Béjaïa nous ont renseigné sur le travail titanesque des policiers et douaniers au service des voyageurs et du pays mais aussi sur la joie et l'empressement de nos concitoyens de retrouver les leurs. Bonnes vacances à tous!