Couronné par un Ahaggar d'or du court-métrage au dernier Festival international du cinéma arabe d'Oran, la jeune réalisatrice Sabrina Draoui évoque, dans cet entretien, son film, Goulili, son parcours personnel et quelques-uns de ses nombreux projets. Liberté : Vous avez reçu l'Ahaggar d'or du meilleur court métrage au dernier Festival international du cinéma arabe à Oran. Vos impressions ? Sabrina Draoui : Après un premier film, on a bien sûr tout de suite envie d'en faire un deuxième, tout de suite envie de dire, j'ai envie de faire mieux que le premier, qu'il soit primé ou pas. Mais lorsqu'on fait un film qui est plus ou moins pris au festival et qui reçoit quatre prix (le prix à Oran est le 5e, ndlr), on n'a pas envie de décevoir, mais ce n'est pas le moteur qui donne envie de faire mieux. D'ailleurs sans prix, sans festival, j'aurais voulu faire mieux de toute manière. Dans votre court-métrage, Goulili, une grande ambiguïté plane autour des deux personnages féminins. Une lutte interminable entre le moi et le moi profond du personnage principal… ll En fait, les deux personnages sont une seule personne, donc la deuxième n'existe pas. Des gens disent que c'est de la schizophrénie, d'autres une tendance entre le bien et le mal, maintenant je laisse le spectateur lire et avoir l'explication qu'il veut. Pour moi, c'est juste un témoignage, c'est une situation. Le sujet dont je parle est un sentiment universel qui doit être relié à une société et à des valeurs. J'ai choisi une situation particulière dont le sentiment est appelé amour, sa difficulté à être vécu en tant que tel dans son corps, dans cette société et dans les valeurs. Je me demande dans le film quelle est la solution pour cette femme, qui a choisi l'Islam? L'histoire tourne autour de la problématique du comment vivre l'amour pour une musulmane. Or, il n'est pas permis d'avoir des relations avec un homme dans la religion. Je pense qu'il y a une autre nuance, une autre modernité, un autre équilibre qui permettra d'envisager la femme émancipée, indépendante, tout en restant dans l'application de la religion. Vous avez fait des études en chimie, par la suite vous vous êtes illustrée dans la photo. Comment avez-vous atterri dans le cinéma ? ll J'ai atterri par hasard… dans la volonté et l'envie de le faire. J'ai voulu faire ça depuis que j'ai compris qu'il fallait faire un métier. Toute petite, je disais que je voulais devenir réalisatrice, mais je ne faisais pas la différence entre réalisatrice et productrice. Mais après, ça s'est éteint en moi car on est en Algérie, parce qu'il n'y a pas d'études, il n'y a pas de possibilités de travailler, donc j'ai choisi autre chose, et j'ai fait de la chimie et en parallèle j'ai fait de la photo. J'ai commencé à participer à des concours et j'ai remporté des prix nationaux et internationaux. Dès que j'ai vu pour la première fois une projection d'un court-métrage algérien, je me suis dit que je pourrais le faire un jour. Je voulais faire une école mais ici, il n'y a pas d'école et en France, ça coûte très cher. J'ai rencontré une réalisatrice tunisienne, Nadia Elfeni, qui m'a beaucoup encouragé et m'a proposé une formation d'initiation. Je ne savais même pas comment écrire un scénario. J'ai appelé un ami et j'ai demandé de l'aide. J'ai été prise. J'ai alors écrit Goulili, comme ce sont des ateliers nous avons tous travaillé sur les films des uns et des autres. Au départ, Goulili devait être un exercice d'école. Vous êtes actuellement sur un tournage et vous écrivez également un court-métrage. Pouvez-vous évoquer pour nous ces deux expériences? ll Je suis effectivement en train d'écrire mon second court-métrage qui sera produit par Safina Productions (la société de production de Mounès Khemmar, ndlr). L'histoire concerne la femme. J'ai trouvé encore le besoin d'en parler, car pour moi, faire du cinéma c'est d'abord sortir quelque chose qu'on a dans le ventre. Je m'intéresse au thème de la femme parce que j'ai encore des choses à dire sur ce sujet, et le jour où je cracherais tout, je pourrais faire autre chose. D'autre part, je suis actuellement sur un tournage d'une série télévisée, réalisée et produite par Bachir Derrais, concernant les enquêtes du commissaire Llob. Je suis assistante aux côtés de Allel Yahiaoui, en tant que technicienne. H. M.