Sitôt ouvert, le procès des cinquante-deux membres présumés du groupe intégriste marocain Salafia Djihadia qui devaient comparaître, depuis hier, devant les cours de justice de Casablanca, Rabat, Tanger et Kenitra, a été reporté à vendredi prochain à la demande de la défense. Remis du choc qui avait ébranlé la plus grande ville du royaume, Casablanca, dont le lourd bilan en vies humaines (44 morts) a brusquement réveillé les esprits marocains sur le fléau du terrorisme, le Maroc a entamé, hier, le jugement des auteurs présumés de ces attentats. Les inculpés seront jugés par groupes, dans quatre villes différentes, à partir du 25 juillet, pour permettre aux avocats de préparer leur défense. Parmi les prévenus figurent trois candidats kamikazes ayant survécu aux cinq déflagrations du 16 mai dernier. Il s'agit de Mohamed El-Omari, 23 ans, gardien de nuit, Rachid Jalil, 27 ans, soudeur, et Yassine Lahnech, marchand ambulant, âgé de 22 ans. Le Français Richard Robert, qui aurait préparé les attentats suicides depuis Tanger, fait partie des accusés. Ces derniers sont poursuivis pour “constitution d'une association de criminels, atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat, sabotage, homicide volontaire, dommage intentionnel causant blessures et invalidité permanente”. Au vu des dispositions de la nouvelle loi antiterroriste adoptée en juin dernier par le Maroc, il faut s'attendre à des peines très sévères. Ainsi, toutes les personnes qui seront reconnues coupables de meurtres, mêmes involontaires sont passibles de la peine de mort. Les juges marocains frapperont certainement d'une main de fer dans un but dissuasif. Il n'a, d'ailleurs, pas fallu attendre ce procès pour comprendre que le royaume alaouite ne fera pas dans la dentelle sur ce plan-là. En effet, le 11 juillet dernier, la chambre criminelle de Casablanca a condamné à mort dix membres présumés de la Salafia Djihadia, et huit autres à perpétuité, outre les peines allant de un à vingt ans de prison. C'est dire la détermination des autorités marocaines à éradiquer le phénomène avant qu'il ne prenne d'autres proportions, contrairement à l'Algérie qui a mis du temps pour réagir. L'on se rappelle que la première cour spéciale pour juger les terroristes n'a siégé qu'en 1995, soit trois années après le début des opérations terroristes. Sur le plan de l'information, il y a lieu de relever également la différence d'approche entre les deux pays. Alors que l'Algérie observait un black-out total sur l'information sécuritaire, le royaume chérifien instrumentalise “sa presse” pour mobiliser la population contre le terrorisme. Il n'y a qu'à voir les titres des journaux marocains d'hier pour se rendre compte de l'importance du rôle de la presse pour combattre ce phénomène. “Citoyens contre le terrorisme”, titrait le Matin du Sahara qui salue un sursaut identitaire et patriotique en commentant la marche contre le terrorisme de Casablanca, qui a rassemblé des milliers de Marocains. “Casablanca défie le terrorisme” écrit Aujourd'hui, un quotidien indépendant. “La rue contre le terrorisme” est le titre de Une de l'Economiste. C'est là toute la différence dans la lutte contre le terrorisme entre l'Algérie et le Maroc, bien que le royaume alaouite bénéficie, contrairement à notre pays, de l'assistance de l'Occident. K. A.