En France, chez les immigrés âgés de 60-70 ans, 20% sont des femmes vivant seules et dont plus de 60% sont des Algériennes. Elles ne survivent, en majorité, que grâce aux maigres retraites. Un mot de souvenir pour ces oubliés de l'ex-VIIe wilaya historique. L'Algérie a célébré, hier, la Journée de l'immigration en se remémorant, à la fois, des dramatiques et héroïques évènements du 17 Octobre 1961. Comme c'est le cas depuis 1962, l'immigration a été évoquée à travers des discours et des activités dédiés à ces jeunes partis en France construire l'économie de l'Hexagone et qui ont été au rendez-vous avec l'histoire de leur pays en offrant temps, argent, carrière professionnelle (cas de l'équipe de foot du FLN) et vie pour la Révolution. Aujourd'hui, 48 ans après, cette immigration des premières vagues, les plus importantes celles des années 1950-1960, a besoin, en marge de cette évocation, d'un traitement actualisé à cette situation. L'histoire des coûts de rapatriement des dépouilles est, perçue, comme l'arbre qui cache la forêt : la situation dramatique des milliers d'immigrés algériens vivant et mourant seuls dans des foyers pour célibataires. La situation devient de plus en plus dramatique quand on sait que parmi ces immigrés algériens, terminant leur vie seuls, se trouvent une grande proportion de femmes. “L'immigration reste avant tout pensée comme population jeune et active et l'immigré ne peut être vieux et retraité. Malheureusement, il y a des immigrés âgés, retraités, hommes et femmes, certains vivant seuls, dans la précarité et les exemples de ces aînés retrouvés inertes chez eux des semaines après leur décès n'est pas une pure création de l'esprit”, nous a déclaré récemment Mohamed Bousnane, président d'une association s'occupant, entre autres, des problèmes de l'immigration dans la région du Nord- Pas-de-Calais. En sa qualité de président de la coordination régionale à l'immigration, il a codirigé en décembre 2006 un colloque sur le vieillissement dans l'immigration. Au sein de cette coordination, le constat est amer. “Conçue comme provisoire, l'immigration de travail des années 1950 s'est installée et puis s'est ridée : les anciens travailleurs migrants ont vieilli en pays d'accueil et d'adoption. Certains n'ont jamais pu quitter l'hôtel meublé ou le foyer des travailleurs migrants réduisant leur vie de labour à une chambre de 5,9 ou 12 m2, et rationnalisant leurs dépenses au minimum afin de pouvoir envoyer régulièrement l'argent à leur épouse et aux enfants restés au pays. Rythmant leur temps de vie entre ici et là-bas, absents ici et là-bas, nombre de ces personnes ont été maintenues dans une situation de précarité sociale, matérielle et psychologique, cumulant problèmes de santé et d'accès aux droits… Si la situation des hommes, qui ont pu procéder au regroupement familial, est meilleure pour avoir pu accéder au droit de vivre en famille, ils rencontrent, cependant, les mêmes obstacles dans l'accès aux droits : difficile accès aux prestations sociales, aux soins, aux droits à une retraite à taux plein, à un logement digne, à l'accès à la nationalité française… La situation des femmes âgées immigrées est encore plus dramatique dès lors qu'elles se retrouvent seules pour devoir faire face à un environnement social et administratif complexe”, a déclaré Fatima Skanari, directrice de la coordination. En effet, vivre seul, vieillir d'une façon précoce à cause de la dureté du travail auquel ils ont été affectés, est un arrière plan de l'immigration algérienne. Affaiblis physiquement et psychologiquement, ils découvrent qu'ils sont “les laissés-pour-compte” d'un pays natal qui ne se rappelle que des jeunes immigrés “tirelire” du FLN dans les années 1950 - 60 et un pays d'accueil qui les a oubliés depuis que l'Europe s'est mise à se construire sur le dos des Maghrébins qui ont construit la France. “Nos vieux Africains, notamment les Algériens, qui n'ont pas souvent la nationalité française, depuis longtemps exclus de la vie sociale, n'ont que leur solidarité et quelques associations pour leur venir en aide et les soutenir”, précise encore Mohamed Bousnane, qui est aussi à la tête d'une association, Tutti Frutti internationale, installée à Villeneuve et dont un permanent est affecté exclusivement à la prise en charge des doléances des immigrés âgés et qui sont nombreux. La situation de ces hommes immigrés ainsi que leurs conditions de vieillissement ne doit pas cacher celle des femmes immigrées isolées, avertit Rémi Gallou, qui intervenait lors du colloque du CRI il y a 3 ans. “Les femmes immigrées vieillissent seules, particulièrement sensibles à l'isolement et dont la santé se révèle déjà fragile risque de constituer une population en situation de grande précarité”. En France, si les immigrés algériens de plus de 60 ans sont les plus nombreux, pour les femmes, les Algériennes sont les plus nombreuses dans la tranche des 45-59 ans. Chez les immigrés âgés de 60-70 ans, 20% sont des femmes vivant seules et dont plus de 60% sont des Algériennes. Quand on sait que la majorité d'entre elles vivent grâce aux retraites de réversion, on saisit la précarité de leur situation que seule une implication des autorités algériennes, par le bais des associations ancrées sur le terrain, peut prendre en charge face à une quasi-démission du pays d'accueil, qui ne jure que par l'Europe depuis un certain temps. L'enjeu n'est pas d'aider nos vieux immigrés à venir terminer leur vie chez nous, mais à les assister pour dépasser le mépris de leur ancien employeur, la France. En effet, comme il ressort d'une enquête réalisée par la chercheuse Sylvie Emsellem dans la région de Marseille sur les immigrés algériens. “À l'âge de la retraite, ils rencontrent beaucoup de difficultés à retourner vivre auprès de cette famille restée au pays. Ils sont toujours partagés entre le désir de retourner chez eux et la hantise de ne plus pouvoir se sentir à l'aise auprès des leurs…”