Le fléau est, dans la plupart des situations, favorisé par la démission des parents lesquels, à défaut de faire face à la situation, préfèrent fuir leurs responsabilités pour ne se rendre compte qu'une fois trop tard. "Dans la vie, j'ai eu le choix entre l'amour, la drogue et la mort. J'ai choisi les deux premières et c'est la troisième qui m'a choisi”, cette expression du célèbre auteur Jim Morrison situe toute la problématique véhiculée par la drogue et ses enchaînements sur la santé des hommes et de la société, en général. À Tiaret, comme ailleurs à travers le pays, le phénomène de la toxicomanie prend des proportions de plus en plus affolantes et il n'est pas spécifique à une couche sociale précise, mais puise dans toutes les franges de la société avec des facteurs favorisants d'un milieu à un autre. Les adolescents issus de familles démunies sont, certes, les plus vulnérables, mais ne peuvent, sauf exception, se permettre des drogues qui coûtent cher. Et c'est justement le drame dans la mesure où, si les toxicomanes de milieux florissants peuvent payer rubis sur l'ongle leur voyage dans l'au-delà, nombreux sont ceux qui versent dans les cambriolages et les agressions pour s'en acquitter. Dans ce sillage, pour se procurer des psychotropes, certains dealers sont constamment aux aguets aux alentours d'un établissement hospitalier spécialisé dans la santé mentale ou délestent carrément les malades de leurs médicaments quand ils ne sont pas accompagnés, et c'est généralement le cas, selon un observateur averti. Néanmoins, bien d'autres accoutumés se rabattent sur l'inhalation de produits volatiles et solvants organiques tels que la colle, les détachants, les aérosols, l'éther et l'acétone. Des produits très dangereux mais qui sont à leur portée car ils sont disponibles à des prix abordables. “Si les adolescents sont les principaux ciblés par cette action, cela s'explique par le fait que cette catégorie de la société est perçue comme une proie facile parce qu'elle succombe de manière incontrôlée aux tactiques des dealers qui font des collèges, lycées, instituts et universités leur terrain de prédilection pour écouler leur marchandise”, nous dira un professionnel de la santé publique. “La majorité de nos interlocuteurs, à travers le numéro vert de la cellule d'écoute, sont issus de cette catégorie”, confirme Mlle Aïchouba, psychologue au sein de l'Odej de Tiaret. Cependant, malgré la tentative des responsables des établissements scolaires et les efforts consentis par les éléments de la gendarmerie et ceux de la sûreté, pour mettre un frein à ce fléau, le danger ne fait que s'accentuer et les drogues ne cessent de franchir les seuils de ces institutions. Comme pour fuir une réalité de plus en plus dure en s'immergeant dans un “paradis artificiel”, de nombreux jeunes trouvent leur plaisir en usant du jargon populaire de chez nous pour parler de kif, hchicha ou zetla sans prendre conscience du tunnel dans lequel ils s'engouffrent. Toutefois, on ne doit pas se voiler la face pour reconnaître que l'ampleur de ce fléau dans notre pays devient incontestable quand on sait que les statistiques, comme il a été rapporté dans certains organes de la presse écrite, font état de l'implication de 86 000 personnes, présentées devant les différentes juridictions, et d'une saisie de plus de 900 000 comprimés psychotropes ainsi que de 38 tonnes de cannabis durant l'année 2008 alors que les saisies de l'année 2006 tournaient autour de 300 000 comprimés et 10 tonnes de chanvre indien (cannabis). Le fléau est dans la plupart des situations favorisé aussi par la démission des parents lesquels, à défaut de faire face à la situation, préfèrent fuir leurs responsabilités pour ne se rendre compte qu'une fois trop tard. À titre indicatif, la rupture conjugale ou le divorce est une étape très difficile en soi est pénible quand le couple a des enfants dans la mesure où ces derniers encaissent le coup. C'est le cas édifiant de ce jeune adolescent qui avoue avoir perdu tous ses repaires depuis la séparation de ses parents. Selon son entourage, il était d'une ferveur exemplaire pour ses études depuis son entrée à l'école et ses notes le confirmaient à chaque fois. Mais, une fois au lycée, il voyait arriver devant lui la fin d'un rêve et le commencement d'une période inquiétante. Ayant perdu sa passion et le goût à la vie, ce dernier peinait à se faire des amis. Une connaissance, comme il voulait l'avouer, l'avait emporté vers ses premières consommations de cannabis. “Je savais que je frôlais le seuil d'un monde qui n'était pas le mien et auquel je n'ai jamais songé, mais, à peine le pied dans le bain, je savais que j'allais continuer”, se souvient Khaled qui, à 19 ans, est devenu un adolescent renfermé et influençable. À 15 ans, Farid, aujourd'hui caressant la vingtaine, nous révèle qu'il commençait à connaître les pires moments de sa vie quand il remarquait la tension qui régnait quotidiennement entre ses parents. Ses notes décroissaient et il arrivait souvent en retard à ses cours en répondant de haut à ses enseignants “Parfois, je me sentais tellement dans les nues que je n'arrivais même plus à écrire”, se rappelle-t-il. Un médecin nous relatera en parfaite connaissance de cause que “la drogue est le refuge de tous les jeunes, ou parfois des adultes même, qui souffrent. Néanmoins, il faudrait s'attaquer aux racines du mal et ne pas toujours se contenter de procéder par des arrestations, des soins ou des emprisonnements”. Il est vrai qu'un sujet soigné ou ayant écopé d'une peine de prison ne pourrait cesser avec son accoutumance si les problèmes qui l'ont mené dans ce “jardin de la mort” ne viennent pas à connaître une issue. Autrement dit, il est impératif d'impliquer tout le monde afin de minimiser les dégâts. “En thérapie, on nous a toujours inculqué que pour cesser de consommer, il faudrait faire montre d'autant d'énergie qu'on en mettait pour se procurer de la drogue. Ainsi, si tous les toxicomanes agissaient comme ça, le monde irait mieux”, remarquait Adda, un ancien toxicomane qui consacre aujourd'hui tous ses efforts à sa famille et son travail. Ce dernier a découvert, au fil du temps, que le bonheur se trouve ailleurs que dans la drogue.