“Allez les Verts ! Toute l'Algérie est derrière vous ! On va faire la fête !” Ces graffitis écrits à la hâte sur une façade d'immeuble à l'entrée de la ville de Tizi Ouzou reflète, on ne peut mieux, l'ambiance qui prévaut depuis quelques jours dans la ville des genêts et un peu partout dans toute la Kabylie où il n'y a pas un seul village ou la moindre contrée qui ne vit pas au rythme de ce match Egypte-Algérie à la dimension hautement historique. Si la fièvre de la Coupe du monde a envahi la région depuis quelques semaines déjà, il faut se rendre à l'évidence qu'elle s'est accentuée durant ces dernières quarante-huit heures puisqu'il n'y a pas un seul lieu public ou un seul foyer où la grande confrontation de ce samedi au Cairo Stadium ne suscite pas de l'engouement populaire et de l'effervescence sans limite. Dans les cafés maures, les jardins publics, dans la rue ou dans les lieux de travail, un seul sujet de discussion : "Egypte-Algérie !” et tout ce que cela suppose comme commentaires, pronostics et spéculations autour d'un match qui entrera certainement dans l'histoire du football algérien. S'il faut rappeler que toute le peuple algérien est sorti dans la rue le 6 novembre 1981 lorsque l'Algérie avait battu le Nigeria à Constantine (2-1) pour s'offrir son premier Mondial de 1982 en Espagne et que l'on avait remis cela lors de la double victoire historique de 1985 contre la Tunisie (4 à 1 au stade El-Minzah puis 3 à 0 au stade du 5-juillet) pour se propulser encore au Mondial-1986 de Mexico, il faut bien admettre que cette confrontation face aux Egyptiens et l'éventualité de goûter à l'ivresse d'un troisième mondial en Afrique du Sud et ce, après une longue traversée qui aura bien duré… vingt-quatre ans tient, en haleine tout le peuple. Et dans un tel décor, la Kabylie terre de foot et de patriotisme par excellence ne pouvait que rugir de fierté et de soutien indéfectible à nos vaillants Fennecs partis défier les mythiques Pharaons au pied des Pyramides. À Tizi Ouzou et dans toutes les villes et les villages de Kabylie, l'on a déjà déployé des milliers de drapeaux sur les balcons d'immeubles, sur les toits des maisons et des voitures, sur les devantures de magasin. Même les vendeurs de cigarettes au bord des trottoirs ou les vendeurs saisonniers de melons ou de patates qui pullulent sur les routes ont accroché sur leur baraque de fortune le drapeau national alors que les kiosques à journaux sont littéralement pris d'assaut chaque matin pour prendre les nouvelles des Verts en stage en Italie et des premiers contingents de supporters ayant déjà débarqué sur les bords du Nil tout en se rassurant à qui mieux-mieux sur l'état de santé de nos “guerriers blessés” qui ont pour nom Ziani, Antar Yahia, Bougherra et Yebda. “Marche ou crève ! Ils vont tous guérir et se relever pour défendre l'honneur de l'Algérie comme… en Novembre 1954 !” nous dira un vieux maquisard de Tizi Ouzou comme pour rappeler la fibre nationaliste des Algériens. Et au moment où les marchands de drapeaux, de tee-shirts et d'écharpes bariolés aux couleurs nationales continuent à battre tous les records de recettes que seuls l'industrie et le commerce du foot peuvent engendrer, toute la Kabylie est sur le même décalage horaire algérien pour retenir son souffle et préparer comme il se doit une veillée d'armes qui fera certainement date dans les chaumières du Djurdjura. Et la meilleure preuve d'une telle fébrilité est parfaitement symbolisée par ce jeune citoyen de Draâ Ben Khedda, la ville natale du gardien du “temple national” Lounès Gaouaoui, et qui s'apprêtait à entrer à la mosquée en nous lançant en tremblotant : “Depuis quelques jours, nous prions Dieu pour aider et protéger El-Khadra et notre fils Gaouaoui !” N'est-ce pas que cet Egypte-Algérie dépasse tout entendement et suscite toutes les passions !