Pour le deuxième jour de rang, Khartoum, d'habitude si calme et si tranquille, aura vécu hier un énorme ballet folklorique dont se sont chargés les milliers de supporters algériens, qui ont transformé la capitale soudanaise en un immense théâtre à ciel ouvert où le vert, le rouge et le blanc ont fait bon ménage dans une ambiance festive et si joviale. Dès les premières heures, les rues et différentes artères de cette ville très accueillante avaient déjà revêtu la tenue de la veille aux couleurs de l'emblème national. Matinaux, beaucoup de supporters avaient ainsi commencé à défiler tôt le matin, créant un climat de fête qui contrastait assez clairement avec la quiétude de la cité. Se prêtant volontiers à ces manifestations d'algérianité si propres à nos compatriotes, en particulier hors de nos frontières, les Soudanais contribuèrent d'ailleurs très activement à la réussite de cette intégration facile des supporters des Verts, en épousant à bras-le-corps la cause algérienne, drapeau national comme preuve d'appartenance à cette impressionnante assise populaire venue à la faveur de ce pont aérien inédit. Routes bloquées et drapeaux à la pelle Ayant comme point de repère l'accueillante et très disponible ambassade algérienne à Khartoum, les supporters des Verts ont même provoqué de grands embouteillages sur le boulevard principal de cette partie de la ville en fin d'après-midi, au point où des agents antiémeutes soudanais étaient là en renfort, question de prêter main-forte à leurs collègues, agents de l'ordre public, et de parer, sait-on jamais, à toute mauvaise éventualité. Même ambiance et même problème d'embouteillage au centre-ville où les différents établissements hôteliers accueillant les Algériens de passage ont été décorés aux couleurs nationales, ainsi que sur l'axe routier menant à Omdurman. L'impressionnant nombre de drapeaux algériens en circulation à Khartoum a été rendu possible, renseignements pris sur place, par les services de l'ambassade qui ont réceptionné des packages en provenance d'Alger et les ont, tout au long de la journée, distribués aux supporters présents ainsi qu'aux Soudanais qui avaient, pratiquement tous, un emblème national à la main, sur le toit de leurs véhicules ou tout simplement comme écharpe ou même cape ! L'ambassade, cet inespéré dortoir Outre son rôle diplomatique et celui lié à la prolifération à une vitesse éclair des drapeaux, toutes tailles confondues, aux quatre coins de la ville, l'ambassade algérienne à Khartoum a surtout servi de dortoir aux dizaines de supporters arrivés sur les lieux à une heure tardive ou n'ayant pas encore été acheminés vers leurs lieux de séjour. Ils avaient passé la nuit dans le salon de l'ambassade, face à la télévision, dans les couloirs, dans le petit jardin et même au niveau des escaliers menant au second étage ! Les fonctionnaires et autres membres du corps diplomatique veillaient d'ailleurs très patiemment avec soin et s'assuraient continuellement à ce que leurs invités du bled ne manquent de rien et ne ressentent aucunement le besoin. Huis clos et frustration à Omdurman Le besoin de voir leur équipe favorite s'entraîner et leurs héros de joueurs en bonne forme physique et psychologique s'est, par contre, grandement fait ressentir, la veille, du côté d'Omdurman. Pour sa séance d'entraînement sur la pelouse du stade de la Forteresse rouge (El-Qalâa El-Hamra), l'EN de Rabah Saâdane et de Mohamed Raouraoua a, ainsi, choisi le huis clos comme moyen de travail, à la grande frustration de ses supporters et inconditionnels qui se comptaient par milliers et auxquels se sont ajoutés d'autres milliers de Soudanais pro-Algériens. “Si nous avons fait tout ce chemin à partir de différentes villes algériennes, c'est surtout pour encourager notre équipe et transmettre aux joueurs nos encouragements. Nous voulons qu'ils sachent que nous sommes tous derrière eux. Nous voulions tellement prendre d'assaut les tribunes de cette enceinte pour leur remonter le moral après la défaite du Caire, mais cette décision de ne laisser personne assister à cette séance est frustrante et tellement énervante !” suppliaient presque quelques téméraires supporters qui ont réussi à franchir le cordon de sécurité en place devant l'intransigeance de deux impassibles accompagnateurs chargés de la sécurité des Verts. Communion tardive et promesses émotives Las d'attendre jusqu'à plus d'une heure sans espoir aucun de voir leur équipe, la grande majorité des supporters se sont finalement résignés à rentrer chez eux, non sans dresser un petit tableau comparatif entre ce qu'ont décidé les responsables des Verts et la séance d'entraînement des Pharaons d'Egypte, non loin de là, du côté du stade d'El-Hilal, devant un public record. Les quelques dizaines de supporters qui ont jugé utile de faire un effort en matière de patience ont, au final, pu apercevoir l'EN après qu'une seule porte, à l'extrême gauche de la tribune centrale de la Forteresse rouge, eut été ouverte tardivement au public. Malgré cela, les supporters soudanais et algériens qui s'y sont engouffrés en se bousculant et en jouant des coudes ont réservé un salut très chaleureux aux coéquipiers du très demandé Mourad Meghni. À la fin de cette séance qui a vu le sélectionneur Rabah Saâdane programmer une séance de tirs au but durant lesquels l'attaquant du club anglais de Blackpool Hameur Bouazza s'est fort bien illustré, alors que le président de la FAF Mohamed Raouraoua était en grande discussion, à même le gazon, avec Rafik Halliche et Abdelkader Laïfaoui, les Verts se sont rapprochés des grilles les séparant de leur public pour le saluer. Les joueurs : “Nous gagnerons pour les rescapés du Caire” La communion était forte, sincère et réciproque. Assez habile, un inconditionnel de l'EN a même sauté par-dessus la grille de sécurité pour aller se jeter dans les bras d'un Karim Ziani très conciliant et qui est même intervenu auprès des policiers soudanais afin que son fan puisse rejoindre de nouveau la tribune, sans qu'il ne soit touché ou emmené au poste. De son côté, l'arrière-central Antar Yahia n'a guère vu d'inconvénient à répondre favorablement à la demande d'un supporter, lui offrant dans un geste de grande gentillesse et de générosité le maillot avec lequel il s'est entraîné, empruntant par la suite le haut d'un survêtement d'un membre de l'encadrement de l'EN pour se couvrir le torse. Au cours de leurs courtes discussions avec leurs supporters dont ils étaient séparés par la grille de sécurité, tous les joueurs de l'équipe nationale, Rafik Saïfi, Karim Ziani, Mourad Meghni, Majid Bougherra et autres Fethi Ghilès, Antar Yahia et Karim Matmour avaient “promis de battre l'Egypte, de se donner à fond, de ne lésiner sur aucun effort et de faire plaisir à tout ce public en se qualifiant pour la Coupe du monde”. “Tous ceux qui ont souffert en Egypte se consoleront, se réconforteront et s'égayeront avec cette qualification que nous vous promettons”, affirmera ainsi solennellement ce groupe d'internationaux. Mais ils sont où, les Egyptiens ? Une promesse qui a, bien entendu, mis du baume au cœur de tout le “Khartoum algérien” et qui a encore décuplé la détermination des supporters des Verts à envahir, ce soir, l'enceinte d'El-Merrikh. “Les Egyptiens et même les Soudanais auront l'impression d'être en Algérie !” promettront, pour leur part, les inconditionnels venus des quatre coins du pays. Surtout que dans les différentes rues de la capitale soudanaise, presque aucun Egyptien n'est reconnaissable, a contrario des Algériens qui s'exhibent fièrement avec l'emblème national. L'on croirait même que dans cette ville plate, aucun Egyptien ne réside, tellement leurs drapeaux sont quasi introuvables et leur nombre très inférieur à celui de nos compatriotes. Ce qui laisse présager qu'en dépit de toutes les tentatives égyptiennes de gagner l'appui soudanais (réunion de Shehata avec les directeurs de rédaction des journaux locaux), la rue, à Khartoum, est bel et bien acquise à l'Algérie. En attendant, ce soir, la Forteresse rouge.