La commission d'enquête sur la participation du Royaume-Uni à la guerre en Irak entame cette semaine ses premières audiences publiques qui culmineront avec le témoignage très attendu de Tony Blair, au risque de raviver des plaies toujours pas cicatrisées. À partir de demain, chefs militaires, diplomates et hauts fonctionnaires se succéderont devant les cinq membres de la commission présidée par Sir John Chilcot, dans un centre de conférences proche du Parlement de Londres. Certaines audiences resteront à huis clos pour raisons de sécurité. Parmi les premiers témoins figureront d'anciens responsables du MI6, les services du renseignement extérieur britanniques, dont John Scarlett. C'est lui qui, entre 2001 et 2004, avait présidé le comité ayant supervisé le fameux “dossier” où le gouvernement de Tony Blair, alors Premier ministre, affirmait que l'Irak de Saddam Hussein disposait d'armes de destruction massive. Cette menace présumée, mais jamais avérée, avait contribué à justifier la participation de la Grande-Bretagne à l'invasion de l'Irak en mars 2003. Des témoins étrangers, comme l'ancien secrétaire général de l'ONU Kofi Annan ou l'ex-chef des inspecteurs du désarmement en Irak Hans Blix, pourraient également témoigner, selon la presse. Mais le temps fort de cette série d'audiences, qui doit s'achever en février, sera la déposition de celui qui a pris la décision ultime de lancer quelque 45 000 soldats britanniques dans la guerre, Tony Blair. Aucune date n'a été arrêtée, mais M. Blair et plusieurs de ses ministres seront convoqués début 2010. Ses explications sur sa décision d'entrer en guerre, contre l'avis d'une majorité de Britanniques et sans l'aval des Nations unies, sur la légalité de ce conflit, sur son alignement derrière l'Amérique de son “ami” George W. Bush – qui lui vaudra le surnom peu flatteur de “caniche de Bush” – seront particulièrement attendues. Elles feront revivre aux Britanniques une des pages les plus controversées de leur histoire récente, qui aura finalement entraîné le départ forcé de Tony Blair en juin 2007. Ironie du calendrier, l'engagement britannique en Irak aura peut-être aussi coûté à Tony Blair la présidence de l'Union européenne, attribuée jeudi au Belge Herman Van Rompuy. Mais M. Chilcot, haut fonctionnaire à la retraite, l'a répété : “L'enquête n'est pas un tribunal et personne n'est en procès.” Pour autant la commission “ne renoncera pas à son droit à critiquer”, selon lui. “Notre objectif est d'établir ce qui s'est passé pendant la participation du Royaume-Uni”, entre 2001 et le retrait de l'essentiel des troupes britanniques de ce pays à la mi-2009, a-t-il précisé. L'enquête tâchera “d'en tirer les leçons pour aider les prochains gouvernements qui pourraient être confrontés à des situations similaires”. Cette enquête “indépendante”, réclamée de longue date tant par des familles des soldats que par l'opposition, avait été annoncée en juin par l'actuel Premier ministre Gordon Brown, et formellement ouverte fin juillet. Le rapport final de la commission, qui a déjà entendu la plupart des familles des 179 soldats britanniques tués en Irak, sera rendu fin 2010 au plus tôt. Soit, comme l'a regretté l'opposition conservatrice, après les élections législatives prévues d'ici juin 2010. Si les sondages disent vrai, les travaillistes de Tony Blair puis Gordon Brown pourraient d'ici là avoir été chassés de Downing Street par les Tories après 13 années au pouvoir, et ne seront plus là pour répondre d'éventuelles critiques de la commission Chilcot.