Chaque année, en Algérie, par habitude, par réflexe, les mêmes gestes sont repris, renouvelés par les femmes de notre pays autour du sacrifice du mouton.Des gestes perpétués machinalement de mère en fille, de belle-mère en belle-fille, dans une mémoire collective nullement entravée par une quelconque intrusion étrangère.La générosité “traditionnelle” propre aux Algériens revêt, avec la fête du sacrifice et le devoir de partage, une forme particulière et prend une dimension exceptionnelle. Outre les quartiers de viande, distribués à titre d'aumône aux pauvres, à la famille et aux voisins qui n'ont pas acheté de mouton, le premier jour de l'Aïd se caractérise par des dons qui font chaud au cœur. C'est le cas notamment pour le repas de midi qui est en général partagé avec les autres voisins. De petites assiettes de cœur, foie, rognons frits, grillés ou en sauce relevée, encore fumants, avec, “pour grossir le plat”, frites et salade, sont distribués aux voisins qui n'ont pas fêté l'Aïd. Le soir, c'est au tour des plats de bouzellouf (tête de mouton) et de osban (tripes en poches farcies) de circuler. Un délice typiquement algérien auquel tout le monde aura droit : le riche comme le pauvre par la grâce, par le miracle du sens du partage algérien. Le lendemain, suffisamment tôt pour que les familles puissent, au même repas, consommer de la viande et préparer les grillades au fumet alléchant, on frappe à une porte, puis à l'autre, un sac en plastique dans la main, une assiette, un plateau tendu, sans bruit, sans ostentation et avec le sourire. Le voisin y trouvera sa part. Non pas celle du pauvre mais celle du semblable, du frère. Et, parce que pendant plusieurs jours, le nanti comme le démuni auront, à tous les repas, de la viande comme principal aliment, certains bouchers baissent rideau. Ils seront, en quelque sorte fermés, pour cause de générosité collective.