Quand un Malien rejette 0,1 tonne de gaz par an, un Français en produit près de 10 et un Américain autour de 25. Autant dire qu'un Français est 100 fois plus responsable qu'un Malien de la dégradation du climat, et qu'un Américain l'est deux fois et demie plus qu'un Français. À partir d'aujourd'hui et jusqu'au 18 décembre s'ouvre, à Copenhague, le sommet mondial consacré aux changements climatiques, auquel participent 192 pays. Il s'agira de trouver un accord pour remplacer le protocole de Kyoto, qui arrive à échéance en 2012, et dont les résultats sont plutôt mitigés. Aussi, jusqu'aux derniers jours avant le début de la conférence, les discussions et les tractations se sont poursuivies, comme le montre cette ultime rencontre de samedi dernier, à Moscou, entre le ministre français de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, et le vice-Premier ministre russe, Igor Setchine, accompagné d'un conseiller au Kremlin pour le climat. Pour sa part, le président américain Barack Obama a été contraint de revoir son agenda en décidant de se rendre dans la capitale danoise pour assister, comme tous les chefs d'Etat et de gouvernement, à la clôture de la rencontre et non à son ouverture, comme il l'avait initialement prévu, ce qui lui avait alors valu les critiques sévères du président français Nicolas Sarkozy. Si l'Amérique, qui a refusé de ratifier le protocole de Kyoto, est revenue à de meilleurs sentiments, sous la présidence de Barack Obama, en annonçant des objectifs chiffrés, même modestes, de réduction de ses émanations de gaz à effet de serre et si la Chine montre une certaine bonne volonté, l'Europe, elle, veut être la locomotive dans cette lutte désespérée contre le réchauffement de la planète. La rue européenne exerce, en tout cas, une forte pression sur ses dirigeants pour que ce soit le cas. Ainsi, de Paris à Londres, en passant par Bruxelles, Glasgow et Dublin, des dizaines de milliers de manifestants ont déferlé, samedi, dans les rues de toute l'Europe pour exiger de leurs responsables d'être offensifs et efficaces à Copenhague, afin d'aboutir à un accord salutaire. À Paris et dans une dizaine d'autres villes françaises, les manifestants ont défilé au son de tambours accompagné du bruit assourdissant de casseroles et de boîtes de conserve, histoire de “se faire entendre.” À Bordeaux, comme pour mieux situer les responsabilités, ils ont arboré des plastrons sur lesquels on pouvait lire les chiffres donnant les émanations de gaz à effet de serre par habitant et par an dans différents pays. L'initiative est particulièrement judicieuse, parce que ces chiffres sont précisément au cœur des enjeux du sommet de Copenhague. Quand un Malien rejette 0,1 tonne de gaz par an, un Français en produit près de 10 et un Américain autour de 25. Autant dire qu'un Français est 100 fois plus responsable qu'un Malien de la dégradation du climat, et qu'un Américain l'est deux fois et demie plus qu'un Français. Or, l'Africain en subit les dommages au même titre, sinon davantage, que l'Européen et l'Américain. En Grande-Bretagne, le coup d'envoi a été donné à Londres, samedi en milieu de journée, par une messe œcuménique, avant que des milliers de manifestants n'envahissent les rues, y compris à Glasgow, Dublin et Belfast. Au cours de la messe, l'archevêque de Canterbury et chef de l'église anglicane, Rowan Williams, a parfaitement résumé la situation en déclarant : “Il semble qu'au cours des dernières décennies, peut-être le dernier millénaire, la race humaine n'a pas été très bonne envers le reste de la création, tout comme notre civilisation n'a pas été très bonne envers la race humaine”, et “ça nous rattrape.” À Bruxelles aussi, des milliers de manifestants ont défilé, samedi, peu après que se soit ébranlé un train écologiste devant rallier Copenhague au bout de douze heures, après une halte à Cologne pour embarquer la délégation allemande. À bord du train spécial baptisé Climate express, se trouvaient déjà les délégations de France, de Belgique et du Luxembourg, composées d'experts, de négociateurs et de militants écologistes devant prendre part au sommet. En Italie, les rues de Rome ayant été occupées, samedi, par une grandiose manifestation réclamant la démission du président du Conseil Berlusconi, les écologistes italiens organisent aujourd'hui une visite groupée, à vélo, dans les lieux phare de la capitale. Le cortège des deux roues s'ébranlera en brandissant les slogans “Rome appelle Copenhague” et “Arrêtons la fièvre de la planète !” Le sommet de Copenhague, organisé à l'initiative des Nations unies, sera d'abord ouvert aux scientifiques et aux experts de tous les pays pour débattre de l'état de la planète et formuler des recommandations, notamment en matière de réchauffement climatique. Les chefs d'Etat et de gouvernement n'interviendront que les 17 et 18 décembre pour tenter de trouver un accord qui les engagerait à réduire les émanations de gaz à effet de serre dans leurs pays respectifs, non pas pour arrêter le réchauffement de la planète, mais pour en limiter la gravité. L'un des enjeux centraux consistera à fixer et à débloquer l'aide nécessaire aux pays pauvres, particulièrement au continent africain, pour faire face à une situation dont ils sont si peu responsables. Si les besoins en la matière sont évalués à quelque 100 milliards de dollars par an et pendant vingt ans, les pays riches, tous confrontés à des difficultés budgétaires, ne semblent pas pressés de mettre la main à la poche.