«Nous ne pourrons réduire la consommation matérielle, sur le plan global, sans faire descendre les puissants de quelques marches. Il est nécessaire de consommer moins et de répartir mieux.» Président Hugo Chavez Pendant 12 jours, la planète a été tenue en haleine et suspendue aux déclarations des grands de ce monde. Nous avons vu véritablement la «Comédie humaine» de Balzac à l'oeuvre pour finalement aboutir à un échec flagrant: la montagne qui accouche d'une souris! Et elle n'est même pas verte, comme le dit un député écologiste européen. De quoi s'agit-il? Des gens plus égaux que d'autres imposent au reste du monde, principalement les pays du Sud anciennement colonisés, une vision du monde où ils ne doivent être que les seuls à continuer à gaspiller. Les Africains eux, sont condamnés à la double peine: non seulement ils ne peuvent pas consommer mais de plus, ils sont les premiers concernés par des changements climatiques en termes d'inondations catastrophiques, de sécheresse, de désertification et de maladies nouvelles induites par l'élévation de température qui est une réalité; pire encore, l'Afrique plus divisée que jamais parlait de plusieurs voix. On a cru un moment que c'était l'Algérie, ensuite on voit à la télé le président Sarkozy tentant de faire bande à part avec un Premier ministre africain qui parle au nom de l'Afrique et en définitive, c'est le ministre soudanais qui fait une déclaration tonitruante où il compare ce qui arrive aux Africains à la «solution finale envers les juifs». Est-il normal qu'un Somalien consomme en une année ce que consomme un Américain ou pire, un Koweitien-qui ne vit pas du fruit de son travail mais d'une manne imméritée- en vingt jours? N'ont-ils pas le même patrimoine génétique? Ne peuvent-ils pas prétendre à la condition humaine? Le président Chavez, connu pour son franc-parler avait perturbé à l'époque les Occidentaux en affirmant qu'il est scandaleux «qu'un baril de Coca Cola coûte plus cher qu'un baril de pétrole». A Copenhague il a déclaré: «Sept pour cent de la population mondiale est responsable des 50 pour cent des émissions polluantes, alors que les 50 pour cent plus pauvres sont responsables des 7 pour cent des émissions globales.» Il a, en outre, affirmé que 60 pour cent des écosystèmes sont abîmés, que 20 pour cent de la Terre est dégradée et que la diversité biologique s'éteint. «La planète est en train de perdre sa capacité de s'autoréguler.» «Le plus grand rendez-vous de l'histoire de l'humanité» selon Jean-Louis Borloo se solde par un échec politique historique, un déni du réel et des savoirs scientifiques, une honte morale, une insulte aux plus pauvres. Les pays riches, en refusant de prendre des mesures qui reconnaîtraient leur responsabilité historique dans le changement climatique, ont précipité l'échec. Soumise aux lobbies du green business et enfermée dans des logiques diplomatiques héritées des périodes coloniales, la tribu des pays riches n'a pas su voir que le chaos climatique, subi déjà par nombre de pays du Sud, rendait dérisoires leurs tentatives de division. Les manipulations néocoloniales de Nicolas Sarkozy en direction de l'Afrique n'ont pas suffi! Ils n'ont pas su voir, eux qui se pensent toujours les maîtres du monde et de la nature, qu'une nouvelle configuration des relations entre le Nord, à bout de souffle, et le Sud est en train de se dessiner et qu'on ne négocie pas avec la nature, comme le scandaient de nombreux manifestants. Pourtant le texte final a été concocté, en dehors de toute procédure onusienne, par le MEF (Major Economies Forum), équivalent du G20. Un texte qui ne mentionne pas d'objectif de réduction des émissions à court, moyen et long terme, un texte dont le principal motif est de refuser tout traité international contraignant pour les pays riches. Un texte qui met à nu la logique des intérêts privés.(1) Le principal échec de Copenhague est l'accord obtenu par les Etats-Unis et la Chine lors de discussions parallèles. Un document non contraignant, bien en deçà des volontés affichées. Son contenu est loin d'être à la hauteur des attentes que la conférence avait soulevées: s'il affirme la nécessité de limiter le réchauffement planétaire à 2°C par rapport à l'ère préindustrielle, le texte ne comporte aucun engagement chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre, se contentant de prôner la «coopération» pour atteindre un pic des émissions «aussi tôt que possible». La négociation de Copenhague a mis en lumière le rôle incontournable des deux pays les plus pollueurs de la planète. Le «G2» a fait la négociation, sans que les Européens ou les pays en développement aient vraiment leur mot à dire. «Un lamentable fiasco», estiment les Verts français. Pour Oxfam France Agir-Ici, le «sommet historique» a débouché sur une «fuite en avant historique». De son côté, le Réseau Action-Climat France fustige la façon dont «Nicolas Sarkozy et Barack Obama ont tenté de faire passer en force un accord qui n'en était pas un». «Alors que Copenhague devait rassembler par un contrat de confiance l'ensemble des pays autour de la clause climatique, l'arrogance de quelques chefs d'Etat ébranle le processus même des négociations», souligne Morgane Créach, directrice du pôle international du réseau..(...) Dans le monde d'aujourd'hui, sur des questions de l'ampleur de celles du climat, s'il n'y a pas au préalable un accord entre la Chine et les Etats-Unis - le fameux G2 -, il ne se passe pas grand-chose.(2) Pourquoi l'échec? Pour comprendre l'impasse de Copenhague, il faut avoir à l'esprit une donnée qui puise sa «légitimité» dans «la nostalgie de l'empire de l'homme blanc occidental». La décolonisation est passée, mais la colonisation invisible est toujours d'actualisé. Quand Sarkozy convoque ses «Africains», il réagit avec la mentalité de l'empire, il en est de même de la Grande-Bretagne et surtout des Etats- Unis qui, eux, ne font pas dans la dentelle. Les armes américaines sont partout où les intérêts américains sont vitaux. Il ne faut surtout pas croire aux slogans de liberté, de démocratie aéroportée ou de libération de la femme, c'est un sordide hold-up permanent concernant les matières premières des pays faibles pour maintenir un niveau de gaspillage que rien ne justifie. Au nom de quelle morale un Américain consomme en termes d'énergie, vingt fois plus qu'un Africain? C'est pourtant le même métabolisme à 2500Kcal/jour. Il est apparu qu'en fait, le sort du monde est entre les mains du Sénat américain qui ignore voire méprise la détresse des pays faibles. Pour Hélène Crié-Wiesner, les préoccupations des Américains sont à des années-lumière de celles des autres et Barack Obama doit en tenir compte. Ecoutons-la: «Le président américain ne pourra s'engager sans accord préalable du Congrès, qui se préoccupe plus d'assurance médicale. Aux Etats-Unis, l'accord final semble ne préoccuper personne. Le Président a prévenu: il ne peut pas prendre d'engagement international sans savoir ce que le Congrès est prêt à accepter. (...)La dimension patriotique est très importante aux Etats-Unis, consubstantielle à tout débat national doté d'un enjeu international. Impossible, dans ce contexte de crise économique, de taper sur les méchantes entreprises pollueuses sans que leurs ouvriers (américains) ne se sentent un minimum solidaires de leurs patrons. Impossible de condamner complètement l'extraction et l'usage du charbon quand tant de familles (américaines) dépendent de cette industrie pour vivre. Impossible de refuser, au nom de la seule préservation de la nature, les autorisations de forer pour extraire du gaz et du pétrole (américains) sans se faire accuser de maintenir la dépendance énergétique envers les pays arabes (qui financent Al Qaîda) ou le Venezuela. (...) "Sans mécanisme de financement établi par la loi, les Etats-Unis ne peuvent pas s'engager à financer quelque engagement international que ce soit. Ni aide au développement des pays pauvres, ni baisse des émissions dans notre propre pays." Voilà pourquoi Obama, tout fier qu'il puisse être de ses propres actions en faveur de l'énergie, doit rester très prudent à Copenhague: tant que le Sénat américain n'a pas légiféré sur le plan intérieur, lui, le président, est paralysé sur le plan international»(3) Dans ces conditions, on comprend les Chinois qui sont diabolisés par les médias occidentaux comme étant responsables des changements climatiques du fait qu'ils sont les premiers pollueurs. On oublie que leur industrialisation a démarré il y a moins de trente ans. Pour Etienne Dubuis: Les Chinois ne sont pas contents. Chiffres à l'appui, ils rappellent aux pays riches que le réchauffement climatique est avant tout la conséquence de leur développement forcené depuis un siècle et demi. «Pour Pékin, les pays développés portent la responsabilité historique du réchauffement, puisque ce sont essentiellement eux, et non ces nouveaux émetteurs que sont les pays émergents, qui ont accumulé des gaz à effet de serre dans l'atmosphère depuis un siècle et demi. Gaz à effet de serre qui s'y trouvent toujours vu leur très longue durée de vie. A partir du moment où les émissions de gaz à effet de serre doivent être limitées, soutient le "camp chinois", il s'agit de savoir comment elles doivent être réparties entre les Etats. Ou plutôt entre les individus au sein de chaque Etat, puisqu'il est juste de reconnaître les mêmes droits à chacun. Une étude de l'Université Qinghua, à Pékin, chiffre le raisonnement. Selon ses calculs, les pays industrialisés ont émis 840 milliards de tonnes de CO2 entre 1850 et 2005 sur un total de 1100 milliards. Même s'ils réduisent de 80% leurs émissions d'ici à 2050, ce qui sera très difficile, ils émettront encore pendant la période, 380 milliards de tonnes de CO2 sur un total de 1000 milliards. Au total, de 1850 à 2050, ces Etats auront donc émis 1220 milliards de tonnes sur un total de 2100 milliards, soit 58% des rejets mondiaux alors qu'ils ne représentent, en 2005, que 20% de la population du globe. Aux yeux des autorités chinoises, la "responsabilité historique" des pays industrialisés leur impose d'accepter cet état de fait et d'aider financièrement et technologiquement les pays qui en souffrent le plus. Une obligation qui figure d'ailleurs dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques».(4) D'une façon scandaleuse après la Chine, les pays industrialisés pointent du doigt encore une fois les Suds harassés. La véritable intention derrière la fraude du réchauffement climatique promue au Sommet de Copenhague est une politique malthusienne de réduction drastique de la population. Hier, le quotidien de la City de Londres, le Financial Times, et son homologue canadien, le Financial Post, ont appelé les dirigeants du monde à entreprendre de toute urgence une politique d'austérité démographique. (...) C'est la nouvelle philosophie eugéniste que le Fonds des Nations unies pour la population a recommandé pour le Sommet de Copenhague: moins de naissances, c'est moins de CO2. Dennis Meadows du MIT, annonce ouvertement les objectifs: réduire la population mondiale à 2 milliards d'individus. Meadows joua un rôle fondamental au commencement de cette propagande malthusienne, puisqu'il est le coauteur du rapport du Club de Rome Halte à la croissance de 1972. C'est la première fois écrit Thierry Téné qu'un organisme onusien fait la corrélation entre la natalité et le changement climatique. L'exercice n'est pas sans risque...«Les prévisions montrent que la population mondiale, de 6,7 milliards aujourd'hui, devrait, à l'horizon 2050, se situer entre 8 et 10,5 milliards. (...) La croissance démographique se traduit fondamentalement par un accroissement des émissions de gaz à effet de serre (GES).»(5) Une contribution de l'ancien président Fidel Castro met en lumière les deux interventions des présidents Chavez et Morales. (....) «Un groupe de pays se croit supérieur à nous, ceux du Sud, ceux du Tiers-monde..»«...Je lisais certains des slogans que les jeunes ont peints dans les rues»...l'un disait: «Ne changez pas le climat, changez le système!»; un autre: «Si le climat était une banque, il aurait déjà été sauvé!», «Les riches détruisent la planète. Emigreront-ils sur une autre quand ils auront détruit celle-ci?» «...Les changements climatiques sont sans nul doute le problème environnemental le plus dévastateur de ce siècle». «Les Etats-Unis ne comptent même pas 300 millions d'habitants; la Chine, presque cinq fois plus. Les Etats-Unis consomment plus de vingt millions de barils de pétrole par jour; la Chine, à peine cinq ou six millions. On ne peut pas demander à la Chine pareil qu'aux Etats-Unis!» «...l'écart qui sépare les pays riches des pays pauvres n'a cessé de se creuser, malgré tous nos Sommets et à cause des promesses non tenues, et le monde court à sa perte». «...Les 500 individus les plus riches du monde ont des revenus supérieurs à ceux des 416 millions les plus pauvres.» «La mortalité infantile est de 47 décès pour mille naissances vivantes, mais d'à peine 5 dans les pays riches.» «2,6 milliards de personnes vivent sans services d'assainissement.»(6) Quelle alternative? Le principal facteur du déséquilibre ressource/consommation est l'écart entre la boulimie des pays industrialisés et l'offre économique. La demande croît de manière vertigineuse alors que l'offre de ressources ne peut plus augmenter au même rythme. Le décrochage entre l'offre et la demande entraîne une surexploitation des écosystèmes et par suite une dégradation de l'environnement naturel. Il y a un lien fondamental entre les ressources naturelles et l'économie globale, entre la santé de la Terre et celle de la société humaine. L'échec du Sommet de Copenhague devrait être l'occasion d'une anamnèse où chacun devra faire son mea culpa. Les Américains et les Européens doivent comprendre qu'ils ne peuvent pas continuer à vivre avec un train de vie pareil, les Africains devraient mettre en oeuvre des politiques efficaces de régulation des naissances et les pays émergents doivent trouver un chemin vers le développement qui ne passe pas nécessairement par une boulimie énergétique. De ce fait, aller vers les énergies douces est devenu de plus en plus incontournable. Ainsi, il faut savoir que la Chine installe une éolienne de 5MW toute les deux heures mais dans le même temps, une centrale à charbon toutes les semaines... (*) Ecole nationale polytechnique (*) enp-edu.dz 1.Attac France, le 19 décembre 2009 http://www.france.attac.org/spip.php?article10608 2.Pierre Le Hir: Copenhague a accouché d'une souris. Le Monde 19.12.09 3.Hélène Crié-Wiesner: Obama va tout nu au sommet sur le climat. Rue 89 17/12/2009 4.Etienne Dubuis: Pékin tape du poing sur la table. Le Temps 16.12.2009? 5.Thierry Téné: Faut-il réduire la natalité des Africains? Les Afriques 15-12- 2009 6.Fidel Castro: Copenhague: l'heure de la vérité. Le GrandSoir 18 décembre 2009