Témoin privilégié du cauchemar du Caire du 14 novembre dernier, puisqu'il était parmi la délégation algérienne, le ministre de la Solidarité nationale parle d'un “complot ourdi et préparé bien à l'avance”. Liberté : Tout d'abord, peut-on savoir ce qui explique votre présence aujourd'hui à la conférence de presse du sélectionneur national, M. Rabah Saâdane ? Djamel Ould-Abbès : Après avoir vécu la belle épopée de l'équipe nationale de football lors de la double confrontation contre l'Egypte, puisque j'ai eu l'honneur de faire partie de la délégation algérienne au Caire et à Khartoum, j'ai tenu à venir saluer mon ami Rabah Saâdane qui est pour moi l'un des grands artisans de cette performance retentissante. Un exploit qui a plongé le peuple algérien dans un bonheur immense. La soirée du 18 novembre restera gravée dans la mémoire des Algériens comme un moment de défi et de communion. Ce sont des instants extraordinaires que je ne pourrai jamais oublier, et qui me donnent encore la chair de poule. Avant d'évoquer ces moments fabuleux de liesse générale, on ne peut pas aussi oublier qu'une équipe nationale algérienne a été agressée dans un pays frère au moment de son arrivée au Caire, n'est-ce pas ? C'est clair, chaque Algérien a été touché dans sa chair à travers cette agression caractérisée contre le bus de l'équipe nationale et, personnellement, j'ai été scandalisé par un tel comportement barbare. Ce qui m'a fait le plus mal dans cette affaire, c'est que les Egyptiens ont été jusqu'à nier cette agression en affirmant que les Algériens se sont autoflagellés pour faire croire à un complot. Est-ce raisonnable de débiter de telles inepties à un moment où notre équipe nationale arrivait au Caire afin de jouer son avenir pour les qualifications à la Coupe du monde ? C'est absolument scandaleux. Mais, à mon avis, la présence dans le bus, qui transportait la sélection algérienne, de l'équipe de Canal+ a avorté le véritable complot égyptien. Le soir même de l'agression, les images de cette agression ont fait le tour du monde, et cela a fini par mettre à nu les velléités de déstabilisation égyptiennes. En fait, ils projetaient une agression à huis clos pour intimider notre équipe et lui faire peur. Ils voulaient provoquer d'emblée un traumatisme chez nos joueurs pour les amener à perdre leurs capacités le jour du match. C'est un complot préparé bien à l'avance. Mais, encore une fois, Canal+ a tout estampillé. Alors, les Egyptiens n'ont pas d'autre choix que de nier, mais la Fifa avait vu, d'où la mise en garde sévère contre la Fédération égyptienne. Le reste, les joueurs l'ont fait sur le terrain d'abord au Caire en résistant, puis à Khartoum en triomphant même si je continue à croire que sans le caillassage du bus, jamais notre équipe n'aurait perdu par deux buts d'écart au Caire. Mais bon, l'essentiel, l'Algérie a vaincu ! Je veux aussi ajouter quelque chose si vous permettez. Allez-y… Je veux dire qu'étant présent dans la tribune officielle avec mon ami Djiar, ministre de la Jeunesse et des Sports, le jour du match, j'ai été meurtri quand notre hymne national a été sifflé par les Egyptiens. J'ai été choqué car les Egyptiens doivent savoir qu'un million et demi d'Algériens sont tombés au champ d'honneur pour que ce drapeau flotte haut, très haut. L'Algérie a une histoire et une place que personne ne peut toucher. D'aucuns ont critiqué le silence des autorités algériennes devant la gravité de tels évènements. Qu'en pensez-vous ? Le silence du président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, a été assourdissant. Je pense que les Egyptiens ne se remettront jamais d'une réaction aussi digne. Les Algériens ne se rabattront pas à un tel niveau de bassesse. Et le comble dans tout cela, c'est qu'aujourd'hui l'Egypte réclame même des excuses… Et oui, c'est le comble ! En tout cas, ils peuvent attendre. C'est vraiment de la folie à mon sens. C'est aux Egyptiens de présenter des excuses pour tous les préjudices physiques et moraux qu'ils nous ont causés en s'attaquant à notre équipe nationale, à notre histoire et à nos chouhada. C'est comme l'exemple de cet homme qui vous jette de loin une poignée de boue sans être sûr de vous atteindre, alors qu'il s'est sali les mains. Vous savez pourquoi ils font tout cela ? Parce qu'ils ont cru qu'ils iraient à Khartoum en conquérants. Mais une fois sur place, ils ont été surpris par le nombre impressionnant de nos supporters ; ils ne s'attendaient pas à cela, je tiens ici à rendre hommage au peuple soudanais et à son gouvernement pour leur hospitalité et leur accueil des plus chaleureux. C'est pour cette raison que les Egyptiens ont enclenché toute cette campagne. Pensez-vous que cette polémique finira un jour ? Je ne sais pas, mais pour nous les Algériens, la parenthèse nous l'avons fermée depuis le coup de sifflet final de l'arbitre du match à Khartoum. L'Algérie est au Mondial-2010, c'est cela l'essentiel ; nous avons arraché cette qualification sur le terrain de vérité et non pas par des jets de pierres. Le reste ne nous intéresse pas. Aujourd'hui, cela me fait énormément plaisir quand je vois tous les Algériens et Algériennes, sans distinction aucune, se tourner vers leur équipe et leur pays. Cette formidable jeunesse a montré de quoi elle est capable et a donné aux Egyptiens une véritable leçon de patriotisme et d'amour envers son pays ; elle a montré tout son attachement à sa patrie et à ses couleurs, c'est ça l'Algérie. Celle qui gagne et qui va encore gagner. Ce qu'a réalisé cette équipe et son impact sur le peuple algérien, aucune partie ne peut le faire. Que vous inspire, Monsieur le Ministre, tout cet engouement et tout cet enthousiasme pour cette équipe nationale de football ? La joie et la fierté d'appartenir à un pays qui s'appelle l'Algérie avec un grand A. C'est la consécration d'un long travail, plein de sacrifice, de sueur et de sang. C'est une véritable épopée. Permettez-moi de saisir cette occasion pour rendre hommage à deux hommes, Mohamed Raouraoua et Rabah Saâdane ; ils méritent tous les égards et le respect, sans oublier, bien sûr, tous les joueurs qui ont été les dignes représentants de l'Algérie et les véritables héritiers des Didouche Mourad, Ben M'hidi et autres Ahmed Zabana. Je ne peux pas aussi mettre en exergue le rôle de Son Excellence le président Abdelaziz Bouteflika qui n'a ménagé aucun effort pour réaliser un exploit unique dans l'histoire, à savoir assurer le transport des milliers de supporters algériens à Khartoum pour soutenir leur équipe. Je salue le rôle déterminant qu'a joué Bouteflika dans la qualification des Verts, car l'apport des supporters a été pour beaucoup dans la victoire finale face aux Egyptiens à Khartoum. Nous avons appris que votre ministère y a aussi contribué… Effectivement, notre ministère a pris en charge plus de 2 500 jeunes pour le voyage à Khartoum. Il faut donc lui donner les moyens nécessaires pour maintenir cette dynamique de victoire, Monsieur le Ministre ? Je pense que l'Etat a fait le maximum et plus même envers cette équipe nationale. Je sais que les autorités sont très conscientes de cela et vont soutenir largement le football et le sport en général. On a appris que votre ministère compte honorer prochainement cette équipe nationale. Confirmez-nous cette information ? C'est vrai, le ministère de la Solidarité nationale compte honorer prochainement cette équipe nationale. Si mon calendrier le permet, je vais essayer d'être présent à Castelet pour le stage de l'EN afin d'organiser cette cérémonie. Mais je ne viendrai pas les mains vides. Une belle surprise alors ? Je n'en dirai pas plus. Le jour venu, vous verrez ce qu'on compte offrir à nos gladiateurs qui ont fait honneur à cette chère patrie. S. L./R. A.