Face au mutisme décidément chronique de la télévision algérienne, c'est définitivement Internet qui a été le média qui a marqué la qualification de l'équipe algérienne au Mondial, en bonne partie grâce à une seule personne : Brahim Hmida, le créateur sur Youtube des vidéos parodiques “Irban Irban”, mettant en vedettes l'entraîneur et les joueurs algériens sous les traits d'acteurs internationaux dans des scènes cultes de grands films. Le bon extrait, le bon doublage, avec la participation de l'acteur Salah Ougrout, et surtout la réplique en algérien qui fait mouche. On a voulu savoir ce qu'il y avait derrière cette désormais légende Irban. Brahim Hmida a 30 ans et déjà dix ans de métier à la radio Chaîne III. Producteur, réalisateur et animateur, ce “touche à tout”, comme il aime à se définir, n'en est pas à son coup d'essai en matière de bidouillage. Déjà, à ses débuts sur les ondes, il fait des fausses pubs dans son émission “Chriki”. “La dérision, dit-il presque sérieusement, c'est ce que j'ai toujours aimé faire.” D'ailleurs, on sait très vite, en croisant Brahim, qu'on ne va pas se prendre au sérieux. Avec sa dégaine de Bud Spencer, lunettes de soleil des Blues Brothers et rictus perpétuel, s'amusant de temps à autre avec une cigarette qu'il agite comme une marionnette de ventriloque, chacun de ses gestes devient un minisketch de son show-attitude, accentué par une kyrielle de petits commentaires humoristiques qu'il distille, “comme il respire”. Il nous emmène visiter son home studio, qui n'est autre que sa chambre, dans sa modeste maison située au rez-de-chaussée d'un des nombreux immeubles qui forment la cité-labyrinthe du 5-Juillet à Bab Ezzouar. Je suis bien évidemment curieux de voir le “matos” qui a permis de fabriquer ses vidéos visionnées des centaines de milliers de fois. Déception, étonnement, puis admiration, quand je vois un ordinateur bon marché, doté d'un écran lucarne et d'un microphone collé à un casque “chinois”. Pourtant, quand je discute avec Brahim, je commence à entrevoir le lieu des “secrets de tournage” : tout est déjà dans sa tête. D'un côté, un grand cinéphile, de l'autre, un fabricant de sons professionnel. Alors, qui est-ce qui a fait le mixage ? “J'ai eu un déclic, nous dit la voix d'Irban Irban, comme s'il parlait d'une révélation. Quand j'étais en train de regarder les images lancées sur Youtube par un supporter algérien, qui a assisté au moment où le bus de l'équipe nationale a été “caillassé”… il était très paniqué… alors je me suis dis, qu'est-ce qu'on pourrait faire nous derrière nos micros ?” La suite, des dizaines de milliers d'internautes la connaissent par cœur. Une première vidéo-parodie, tirée du film les Incorruptibles, avec De Niro : “10 000 visionnages le premier jour, dix fois plus en moins d'une semaine.” Le buzz est lancé Pourtant, il est le premier à être étonné par ce succès. Il croit même que ces milliers de visionnages ne sont qu'un épiphénomène, et ce n'est qu'une fois sur Facebook qu'il se rend compte de “l'ampleur” de la chose qui se partage à la vitesse grand R du réseau. Juste content que ça plaise, il décide alors d'offrir aux internautes d'autres parodies. Le phénomène Irban Irban est né Derrière le nom Irban Irban, qui signifie “on vous découpera en petites tranches”, il y a aussi une dérision. Entre l'hostilité hystérique des médias égyptiens et le mutisme schizophrène des médias lourds algériens, Brahim a fait son choix : “Rire de tout ça.” Parti d'une bonne intention qui n'est autre que “d'essayer de remonter le moral aux Algériens”, les pages Facebook, Youtube et Messenger de Brahim sont, à leur tour, inondées d'attentions, de remerciements, d'encouragements et surtout d'aide. Parce qu'il faut savoir, que dans Internet-City, il y a des surveillants. La Paramount lui réclame les droits sur les extraits utilisés, Youtube menace d'effacer ses vidéos, Facebook veut des clarifications sur les “buts commerciaux” de sa page et un internaute prend le nom de domaine irbanirban.com pour lui imposer un partenariat forcé qu'il refusera… Alors, les internautes se mobilisent, certains lui proposent de l'espace sur leur page, d'autres, dont un internaute algérien habitant au Danemark, lui offre son propre site irban-irban.org (désigné sur le thème Hulk en joueur de football algérien), mais l'hébergeur finit aussi par le bloquer. Du talent, de l'humour et de la popularité, ce sont trois défauts majeurs pour être appelé à la télévision algérienne qui, en l'ignorant, ne sait probablement pas que le jeune Brahim Hmida a déjà été contacté par Beur FM, qu'il pourrait aussi intéresser la télévision maghrébine Nassma TV et bien d'autres. En attendant, Irban Irban continue de sévir sur sa page officielle Facebook et promet un grand retour hilarant avec le début de la Coupe d'Afrique des nations.