Le président tunisien, Zine El-Abidine Ben Ali, est candidat à sa propre succession. Il l'a annoncé lui-même devant le congrès du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) qui peaufine son prochain mandat. Le quatrième dont le scrutin prévu pour 2004 doit passer pour lui comme une lettre à la poste. Ben Ali a bien ficelé ce rendez-vous. il en a balisé le processus en neutralisant tout ce qui pourrait l'entraver, et son parti, le RCD, a de nouveau le vent en poupe. Après une vigoureuse reprise en mai de la situation qui, pour le moins, a été, durant ces trois dernières années, assez éprouvante, pour lui. Les menaces, qui avaient pointé du nez aussi bien à sa droite qu'à sa gauche, semblent ne plus être que des souvenirs. Les islamistes, qui s'étaient requinqués dans les années 2000, allant même jusqu'à s'afficher avec ostentation dans un pays où, pourtant, l'égalité homme-femme est un sérieux acquis, ont été obligés de faire le vide à la suite, notamment, des attentats terroristes contre une synagogue à Djerba, la ville symbole de l'ouverture du pays et de son économie touristique. Fragilisé, en 2001/2002, par la sortie de l'ombre de l'opposition démocratique, avec le retentissement de l'action du journaliste Toufik Ben Brik revendiquant la liberté de la presse (mai 2000), l'inédite mobilisation autour de l'arrestation (juin 2001) d'une militante de droits de l'homme, Mme Sihem Ben Sedrine, et la campagne sur l'affairisme qui s'est développé sous le manteau de ses proches, le président ben Ali s'empare magistralement de la question des attentats de Djerba pour sortir du désarroi et se refaire une virginité aux yeux de ses partenaires occidentaux qui s'étaient inférés dans le débat démocratique par des appels à plus d'ouvertures. À ce propos, il faut convenir que ce sont surtout les ONG de défense des droits humains qui ont manifesté activement leur solidarité au combat des Tunisiens démocrates qui, dénonçant le tout répressif du système Ben Ali, appellent à l'alternance, à des réformes politiques, institutionnelles et économiques. Pour cette frange, constituée essentiellement par la classe moyenne, résultat de la modernisation de la Tunisie , “l'oasis pour touristes”, qui est leur pays, ne doit pas cacher la réalité de ses propres habitants pour qui c'est “une vaste prison sans barreaux”, dirigée par “un système lié par des liens de parenté et pratiquant l'omerta”. Pour avoir son quatrième mandat, Ben Ali, au pouvoir depuis 1987, a dû réviser par deux fois la Constitution. En 1997, il a limité à trois le nombre des mandats présidentiels successifs et, en mai dernier, il a encore procédé à son amendement pour permettre désormais un nombre illimité de mandats, repoussant l'âge limite du candidat de 70 à 75 ans. Agé de 67 ans, ses opposants suspectent en lui un président à vie. Parmi les motifs qu'il avait avancés lorsqu'il a poussé à la porte de sortie son prédécesseur, Habib Bourguiba, cette histoire de président à vie avait été en tête. Mais peut-on abuser indéfiniment de la répression dans une société qui a ouvert ses yeux et dont les élites démocratiques sont sorties de l'ombre dans lequel le régime les avait confinés ? Ben Ali promet, pour sa part, de faire passer la Tunisie du rang de pays émergent à celui de pays avancé, selon les critères de l'ONU, au terme de son prochain quinquennat. D. B.