L'ancien Premier ministre du président Khatami et candidat malheureux à la présidentielle controversée de juin s'est dit “prêt à mourir en martyr” et a fait sa déclaration la plus radicale depuis le début de la contestation, défiant ainsi les ayatollahs, malgré les menaces qui pèsent sur lui. Depuis mardi, les rues de Téhéran et de quelques grandes villes iraniennes ont changé d'occupants. Après les manifestations de l'opposition, samedi et dimanche, à travers tout le pays, marquées par une répression particulièrement violente qui s'est soldée par des morts, des blessés et des arrestations par centaines, c'est au tour du pouvoir de mobiliser ses partisans dans une démonstration de force menaçante. Pour organiser la riposte aux manifestations de l'opposition, qui ont gagné en ampleur et en détermination par rapport à celles qui ont suivi l'élection présidentielle du 12 juin, les dirigeants iraniens ont fait feu de tout bois. Pour “démontrer” sa puissance et sa popularité, le régime a libéré les fonctionnaires de leur travail et fermé les établissements scolaires, “invitant” les uns et les autres à lui manifester leur soutien dans la rue et mettant à leur disposition, pour ce faire, les moyens de transport nécessaires. Il a également mobilisé à son service la télévision d'Etat et l'ensemble des médias publics. La télévision passait en boucle les manifestations progouvernementales, se faisait l'écho de slogans appelant au lynchage des dirigeants de l'opposition et diffusait des interviews d'ultraconservateurs exigeant leur jugement et leur mise à mort. Et, tandis que la presse progouvernementale rivalisait de haine à leur égard et multipliait les griefs retenus contre eux, l'agence officielle Irna a annoncé que les deux figures les plus en vue de l'opposition, Moussavi et Karoubi, ont fui Téhéran pour échapper à la vindicte de la foule. L'information était infondée puisque l'un des fils de Karoubi a aussitôt démenti, affirmant que son père était toujours à Téhéran. Pour sa part, Mir Hossein Moussavi est intervenu vendredi sur son site internet pour démentir l'information d'Irna. Mais il ne s'arrête au démenti. L'ancien Premier ministre du président Khatami et candidat malheureux à la présidentielle controversée de juin s'est dit “prêt à mourir en martyr” et a fait sa déclaration la plus radicale depuis le début de la contestation, défiant ainsi les ayatollahs, malgré les menaces qui pèsent sur lui. Il a dénoncé les exécutions et les emprisonnements sommaires ordonnés par le régime et a promis l'échec aux autorités si elles persistent à vouloir faire taire l'opposition par la répression et la menace. “Tuez-nous, nous n'en deviendrons que plus forts !”, a-t-il écrit, paraphrasant l'ayatollah Khomeiny qui s'adressait, dans des circonstances similaires, aux forces de sécurité du Shah. Mir Hossein Moussavi, qui a réclamé la victoire aux dernières élections de juin après avoir dénoncé une fraude massive au profit d'Ahmadinejad, a été parmi les premiers cadres de la Révolution islamique et a toujours évolué au sein du système où il a même occupé des positions très élevées. Réformateur modéré, il est loin d'avoir le profil d'un leader aventurier capable de rechercher la chute du régime. Bien mieux, ses revendications d'ouverture prônées depuis le mois de juin visaient plutôt à sauver le régime de son enfermement et de ses propres excès. À tel point que son leadership sur la rue qui gronde de plus en plus fort en a surpris plus d'un. Par sa dernière déclaration, particulièrement offensive, il s'est pourtant affirmé comme le chef incontestable de cette opposition, qui s'en prend désormais directement aux ayatollahs. La radicalisation du pouvoir et la violence dont ont fait preuve ses supplétifs ont eu comme effet inévitable de radicaliser la rue. Et Mir Hossein Moussavi, qui n'a sans doute jamais imaginé que les choses iraient aussi loin, apparaît davantage comme un chef malgré lui, emporté par le tourbillon de la rue, que comme un leader qui imprimerait ses mouvements à cette même rue. Quoi qu'il en soit, le bras de fer entre opposition et régime connaît une nouvelle escalade et il est très peu probable que les choses en restent là. Tout peut balancer d'un jour à l'autre, d'un côté comme de l'autre, et l'Iran se retrouve à la croisée des chemins.