Les tensions et conflits entre les différentes wilayas historiques ont fortement marqué l'histoire postindépendance de l'Algérie et façonné le régime politique. Ce dont il ne sera pas question dans ce livre qui risque de laisser sur sa faim le lecteur épris d'histoire. Les Editions Anep viennent de publier Abdelhafid Boussouf, le révolutionnaire aux pas de velours, de Chérif Abdedaïm. L'auteur retrace, en se basant sur des témoignages, d'anciens malgaches notamment, la vie de Boussouf qui se confond avec l'histoire de la guerre de Libération et celle du MALG. C'est ainsi que l'auteur revient sur la jeunesse de Mohamed Boussouf, appelé communément Abdelhafidh, et ses premiers pas au PPA qu'il a intégré à l'âge de 16 ans. Les conditions de la lutte politique de l'époque coloniale avaient fait du PPA, la face clandestine du MTLD légal, et de l'OS, l'organisation qui allait “former des hommes avec des conceptions et des méthodes mieux adaptées à l'action révolutionnaire efficace”. C'était l'école de la révolution. L'organisation clandestine et fortement cloisonnée était dure, et avait façonné la personnalité de Boussouf alias si Mabrouk, à l'instar des autres militants nationalistes révolutionnaires de cette période. Muté en Oranie en 1950, suite à la découverte de l'OS par l'armée française, Boussouf poursuivra, avec Larbi Ben M'hidi et Benabdelmalek Ramdane, ses activités militantes jusqu'à la création du CRUA, au printemps 1954. Au déclenchement de la guerre de Libération, le 1er novembre, la zone Ouest commandée par Ben M'hidi et son adjoint Si Mabrouk était déjà bien organisée et s'est fait distinguer par plusieurs actions. Cependant, le manque d'armes fera vite prendre conscience à Boussouf de la nécessité du ravitaillement et du rôle de la Wilaya V dans cette tâche. Des milliers de pièces sont achetées et discrètement acheminées à bord de yachts vers la zone Ouest, via le Maroc. Conscient d'engager la bataille de l'information, Boussouf forme les premières équipes qui, à l'aide d'émetteurs-récepteurs radio, permettront aux moudjahidine d'intercepter des communications ennemies, de les déchiffrer, de communiquer avec d'autres zones et de sauver des vies humaines. Et c'est en août 1956 que la Direction des transmissions nationale (DTN), “la fille chérie de Boussouf et l'aînée du MALG”, est née. De jeunes lycéens et étudiants sont récupérés à Oujda pour constituer le premier noyau qui allait être formé aux transmissions. L'auteur restitue les différentes phases de structuration du renseignement et du contre-renseignement, en s'arrêtant sur les conditions de vie dans les centres d'écoute, l'achat des armes, la base Didouche-Mourad et le rôle des agents secrets dans les négociations d'Evian. Il revient également sur l'histoire souvent méconnue de l'installation, entre 1958 et 1960, d'usines de fabrication d'armes au Maroc par des dirigeants trotskistes. L'opération était pilotée par les services secrets du FLN pour éviter toute infiltration d'espions français. Le livre se termine par les témoignages de quelques ex-cadres du MALG qui ont tenu à rendre hommage à Abdelhafidh Boussouf, en rappelant qu'“il avait refusé de s'impliquer dans le conflit qui opposait l'état-major au GPRA qu'il assimilait à une lutte fratricide”, recommandant la neutralité à tous ses services. “Après la scission entre le GPRA et l'état-major, durant la période du cessez-le-feu, Boussouf cessa toute activité politique. Il laissa derrière lui des hommes formés et expérimentés auxquels Boumediene fit appel pour édifier les assises de l'Etat algérien”, écrit dans sa préface Brahim Lahrèche (dit Ghani), un ex-cadre du MALG. Depuis, Boussouf a vécu à l'étranger en versant dans le commerce des armes. Il est mort à Paris le 31 décembre 1980. L'auteur n'est pas historien de formation, puisqu'il est psychopédagogue et chroniqueur de presse. Mais il est allé jusqu'au bout de son défi : retracer le parcours d'Abdelhafid Boussouf alias si Mabrouk ! Entreprise d'autant plus ardue lorsqu'on sait que les archives sont “gardées jalousement pour plusieurs considérations”. Aussi, les tensions et conflits entre les différentes wilayas historiques ont fortement marqué l'histoire postindépendance de l'Algérie et façonné le régime politique. Ce dont il ne sera pas question dans ce livre qui risque de laisser sur sa faim le lecteur épris d'histoire. L'auteur admet, dans son introduction, en reprenant Boudjemaâ Haïchour, qu'“en définitive, quoi qu'on en dise, quoi qu'on en écrive, Boussouf, qui était l'homme de l'ordre et de la rigueur, restera le plus secret et le plus pénigmatique”.