Le gouvernement français se réunit aujourd'hui en séminaire pour tirer les premières conclusions d'un débat controversé sur l'identité nationale, lancé en novembre à l'initiative du président Nicolas Sarkozy et qui a donné lieu à plusieurs dérapages racistes. Cette réunion, qui remplace le “colloque final” initialement prévu, est présentée comme un “point d'étape” sur le débat orchestré depuis des mois par le ministre de l'Immigration, Eric Besson. Le Premier ministre François Fillon “va dire ce qu'il retient” de ce débat, a expliqué M. Besson, soucieux de montrer que cette péripétie ne signifie pas l'échec d'une initiative qui lui a valu un déluge de critiques. L'opposition de gauche, dont est issu Eric Besson, a tiré à boulets rouges sur cette initiative, accusant le ministre d'avoir libéré la “parole raciste” et “islamophobe”, allant même jusqu'à le comparer à de tristes figures de la collaboration avec l'occupant nazi en France durant la Seconde Guerre mondiale. “Un séminaire gouvernemental, c'est un honneur”, a rétorqué vendredi Eric Besson lors d'une conférence de presse consacrée à un sondage affirmant que pour une écrasante majorité de Français (76%), il existe une “identité nationale française”. Un précédent sondage, publié fin janvier, avait toutefois montré que 63% des Français n'avaient pas trouvé le débat “constructif” et que plus de la moitié d'entre eux (53%) jugeaient qu'il s'agissait d'une “démarche électoraliste”, alors que la France tient en mars des élections régionales qui s'annoncent difficiles pour la droite au pouvoir. Eric Besson avait alors reconnu qu'il aurait “dû, dès le début, créer une espèce de comité des sages” constitué d'intellectuels pour n'être pas en première ligne “quand la polémique est partie”. Or, la polémique n'a cessé de rebondir ces derniers mois, alors que s'accumulaient les dérapages d'élus ou de simples participants aux quelque 350 réunions publiques organisées en France ou sur le site Internet du ministère, qui a retenu 55 000 contributions. Début décembre, le maire d'un village de l'est de la France avait ainsi affirmé : “Il est temps qu'on réagisse parce qu'on va se faire bouffer.” Trois semaines plus tard, la secrétaire d'Etat à la Famille, Nadine Morano, avait ravivé la controverse en exigeant des jeunes musulmans français qu'ils se sentent français et trouvent un travail. L'opposition socialiste ou centriste, mais aussi des ténors de la droite majoritaire – dont trois anciens Premiers ministres – avaient réclamé la fin d'un débat jugé au mieux “inutile” et au pire “dangereux” pour la cohésion nationale, “‘stigmatisant” les 5 à 6 millions de musulmans vivant en France. Cristallisant un questionnement sensible sur la place de l'islam dans la société, ce débat a aussi été alimenté par de vifs échanges sur le port du voile islamique intégral en France, que le gouvernement voudrait bannir des lieux publics. Se défendant de chasser sur les terres de l'extrême droite avant les élections, Eric Besson assure que le débat n'est pas enterré. Il annonce vouloir, après les scrutins de mars, entamer un tour de France pour “soumettre les propositions (qui seront retenues lors du séminaire de lundi) à la pédagogie et à la critique”. Lors de ses interventions dans le débat public, le ministre avait notamment plaidé pour une charte des droits et devoirs que les Français signeraient au moment de leur majorité.