La célébration du Mawlid Ennabaoui dans la région de Boghni a été marquée par des festivités organisées vendredi par la zaouïa de Sidi Ali Ouyahia d'Ath Kouffi. Les invités sont venus des quatre coins du pays. Impossible de trouver une place pour garer son véhicule en dépit de l'organisation parfaite des membres de l'association de la zaouïa déployés dans tous les endroits à proximité du lieu où repose le saint homme vénéré. La zaouïa en question a été fondée par Sidi Ali Ouyahia au IXe siècle de l'ère hégirienne. Selon le premier responsable de l'association, cheikh Kadi Saïd, cette institution si vétuste qu'elle était avait continué à donner des enseignements, notamment l'apprentissage du Saint Coran jusqu'à 1959 avant d'être rasée par l'artillerie coloniale. À ce titre, notre interlocuteur nous a appris que treize talebs (disciples) de cette école étaient tombés au champ de bataille. Pour autre réalité historique, il faut dire que ce douar s'était donné corps et âme pour défendre la patrie. En plus d'autres maquisards de ce douar, celui-ci compte 375 martyrs tombés au champ d'honneur. “Après avoir détruit toute l'infrastructure, les militaires ont attaché le cheikh Tayeb à un GMC”, a noté un autre intervenant et de signaler que les Ath Kouffi avaient refusé tout comme le village d'Ighil Imoula de s'acquitter des impôts que leur imposait l'administration coloniale. Après l'indépendance, les villageois ont regagné le village. “C'est en 1963 qu'avait commencé la reconstruction de cette zaouïa, c'est-à-dire le mausolée, la mosquée et la khaloua (lieu spirituel du cheikh)”. Tout de même, en dépit de peu de moyens, il a fallu transporter les matériaux de construction d'en bas, et notre interlocuteur, nous montre le lieudit El Kahoua (café du village). Interrogé sur les descendants du cheikh, Kadi Saïd, en sa qualité de président, nous a cité les Ath Si Larbi, les Ath Sidi Abdelkader, les Ath Ghzali, les Ath Youcef Ouali, les Issehanane et les Ath Sidi El Mahdi. “On trouve d'autres familles établies à Maâtkas, à Ath Yenni, à Mekla, à Dellys et même à M'kira”, nous a informé à ce sujet un autre membre de l'association, cheikh Abderahmane Mostefaoui. Nos deux interlocuteurs n'ont pas omis de revenir sur la gestion collégiale du lieu. “Notre association a eu son premier agrément en 1981. Jusqu'à 2008, le bureau se composait de 12 membres, et depuis, il est passé à 24 membres issus de toutes les familles citées”, a précisé Kadi Saïd. Actuellement, en plus de ce qui a été construit au lendemain de l'indépendance, cette zaouïa comprend une nouvelle mosquée, un réfectoire, une salle polyvalente, une bibliothèque, trois salles de cours, un foyer, des sanitaires, des douches, une salle de soins, trois dortoirs et toutes les commodités nécessaires pour une vie communautaire, car cette école accueille des talebs de toute l'Algérie. L'encadrement est assuré par des bénévoles, des contractuels et deux imams affectés et rémunérés par la direction des Affaires religieuses. Interrogé sur la source de financement, M. Mostefaoui affirme qu'elle émane de la part des bienfaiteurs et quelquefois de subventions de l'Etat. L'association de la zaouïa réalise six logements, dont les travaux tirent à leur fin destinés aux chouyoukh (imams) et autres fonctionnaires. Il est important de signaler est que c'est la seule zaouïa où le Coran est psalmodié (tadjwid) de manière traditionnelle. “Nous donnons en plus de l'apprentissage du Coran, des cours sur le fiqh, des cours de grammaire arabe. Durant l'année, de septembre à mai, nous avons entre 30 et 50 talebs. Mais en été, ils sont nombreux à venir apprendre le Coran. À titre d'exemple, l'été dernier, ils étaient environ 200 talebs dont 70 jeunes filles”, a ajouté un autre intervenant. Quant aux conditions d'admission dans cette zaouïa, elles ne sont pas vraiment drastiques. En plus de l'âge arrêté entre 15 et 22 ans, il faut avoir au minimum le niveau de 4e AM. À relever aussi que la plupart des élèves venait de régions lointaines. “Nous souhaitons que les Kabyles y envoient leurs enfants. N'oubliez pas que nos mosquées ne trouvent pas encore d'imams. Nous les encourageons à venir”, a insisté M. Mostefaoui. Durant la période estivale, la plupart des jeunes sont originaires du Mali, du Niger, de la Tanzanie et même du Yémen. “Au lieu de rentrer chez eux, ils préfèrent joindre l'utile à l'agréable. En tout cas, au sein de cette zaouïa, il règne une grande convivialité entre les talebs et les dirigeants. Nous attendons que le gaz naturel arrive ici. Pour l'eau, nous avons une source appelée Thala Bouchmoukh.” En parallèle, d'autres activités y sont également organisées, telles les cérémonies en l'honneur des imams sortants en présence de leurs parents, des personnalités religieuses, des autorités, des circoncisions collectives au profit des nécessiteux, etc. En trois ans, l'élève apprend tout le Coran et gratuitement. Une autre méthode est en phase d'expérimentation pour apprendre le Livre Saint en neuf mois. Avant de quitter le lieu, les héritiers de Sid Ali Ouyahia interpellent les autorités notamment le wali de Tizi Ouzou à leur accorder des aides financières et autres en vue d'atteindre d'autres objectifs pour aller de l'avant, car l'extension de la zaouïa leur tient énormément à cœur. Pour cette fête, un couscous a été préparé auquel tous les visiteurs ont eu droit. “Ce n'est pas la première fois que j'y viens. Vraiment, c'est ici que je vois que notre religion est pieuse et n'est entachée d'aucune démagogie. Où allez-vous trouver une telle sincérité et une telle convivialité? C'est extraordinaire”, clame une dame qui allait monter dans son véhicule immatriculé à Blida.