Comme c'est le cas depuis ces deux dernières décennies, la célébration de la Journée mondiale de la femme à Collo est une occasion pour revisiter l'histoire d'une ville qui s'est souvent conjuguée, par le passé, au féminin. Autant l'image projetée dans le rétroviseur est reluisante, autant celle que dégage le quotidien est désolante. À Collo, la femme ne cesse de perdre du terrain. La date du 8 Mars est une invitation à la relecture de la page d'histoire écrite par les femmes de et dans la région durant la guerre de Libération. Si le premier centre de santé de l'ALN en Algérie a été ouvert dans le massif de Collo, cela n'aurait pas pu se faire sans l'engagement des femmes venues de Collo, de Constantine, des Aurès, de Stif, de Béjaïa… Elles avaient rejoint le centre d'El Arta pour donner la vie à leurs frères moudjahids. Certaines, à l'instar de l'héroïque Massika Ziza, qui pria des hommes de quitter le centre le jour de sa découverte par l'aviation coloniale pour rester avec le blessé Boughassa et gagner le martyre avec lui. Dans cette page des années 1950, on retiendra aussi le geste héroïque de Khemissa. Femme de harki dans un centre de concentration du côté de Béni-Zid, un jour, elle décida de prendre le maquis, son enfant en bas âge dans un bras et l'arme de son ex-mari dans l'autre. Lors de la visite du général De Gaulle dans le nord constantinois en 1959, il était question de réunir des femmes de la région avant de les acheminer vers El Milia pour en faire un comité d'accueil. La rumeur donnait les femmes du groupement d'Aïn Zida comme cible de cette manipulation. Le jour “J”, une dizaine de femmes de la tribu des Achah prirent l'initiative de verser les restes des bovins sur leurs corps avant de se mettre à marcher en entonnant “Hayou Ifriquia”. Ce fut la première manifestation de femmes en Afrique du nord et… De Gaulle n'a pas eu sa haie de femmes colliotes comme comité d'accueil à Settara, ex-Catina. Cette saga est aussi tracée par des femmes lettrées non musulmanes, à l'image de la défunte Collette Grégoire, native d'Arris. Fille d'un instituteur à l'école des indigènes de Collo, elle s'engagea dans la cause algérienne dès son jeune âge. Emprisonnée, elle sera exilée à Tunis. Annah Greki, son pseudonyme, décédera en 1963, en laissant un recueil de poèmes et un passé de résistante vite oublié par ses ex-camarades de classe et de lutte. Dans les années 1970, la femme colliotte est sur le front de la lutte pour une Algérie moderne libérée des carcans d'une pensée rétrograde véhiculée par un conservato-baâthisme ravageur. Lors de cette décennie, deux femmes ont siégé, conjointement, au sein de l'APC. Aujourd'hui, aucune trace de cette présence. Durant la décennie rouge, la femme colliotte a été touchée dans sa chaire, notamment avec l'assassinat, à Shaoula, l'été 1993, par les hordes terroristes, de notre consœur, la journaliste Naïma Hammouda, la brune de la presqu'île. Dans la tourmente de cette décennie, naîtront d'autres Naïma, à l'exemple de Zoubida Boudemagh, une journaliste arabophone, elle aussi de la presqu'île, devenue symbole local de la plume courageuse. En 1995, alors que le massif de Collo était une zone interdite et où les rideaux de la cité baissaient à partir de 15 heures, cette association, dirigée par des femmes, lancera le plus grand défi de l'Algérie qui résiste en organisant un gala de nuit, non- stop, pour les femmes, au stade municipal de la ville. Cet après-midi, à la salle Chullu, cette même association offre une soirée thématique aux femmes de la cité pré-insulaire pour fêter cette journée et, surtout, pour ne pas oublier.