a consommation de tabac est à l'origine de 15 000 décès annuellement dans notre pays. Le nombre global des fumeurs est estimé à sept millions, selon les dernières statistiques révélées par le Pr Mohamed Bougrida, du service de physiologie et d'explorations fonctionnelles du CHU de Constantine. Un chiffre qui représente 40% de la population masculine. Mais la gent féminine n'est pas en reste, puisque la prévalence du tabagisme chez les femmes dans notre pays est estimée à près de 10%. Un fléau qui ne cesse de prendre de l'ampleur ces dernières années. Griller une cigarette n'est plus un tabou chez la femme algérienne et la consommation ne se limite pas seulement au milieu universitaire, mais touche toutes les catégories : des adolescentes, des étudiantes, des femmes cadres et celles n'ayant pas fait d'études poussées. Il faut reconnaître que les fumeuses ne sont pratiquement pas ciblées par des campagnes de sensibilisation particulières. Conscient de l'augmentation du nombre des fumeuses, le ministère de la Santé a décidé de célébrer la Journée mondiale du tabac, le 31 mai, sous le thème : «Tabac et appartenance sexuelle : la question du marketing auprès des femmes». Chez nous, des efforts doivent être faits en matière de sensibilisation et de soutien aux fumeuses avant que ce fléau ne devienne incontrôlable et désastreux pour la société entière. Des proportions alarmantes Constat n La consommation de tabac chez les femmes dans notre pays a enregistré, ces dernières années, une hausse sensible. Selon une enquête effectuée en 2008, la dernière en date, par Global Youth Tobacco Survey (GYTS) , un organisme chargé de la lutte anti-tabac auprès de l'Organisation mondiale de la santé ( OMS), la prévalence du tabagisme chez les femmes algériennes avoisine les 10%. Les auteurs de cette étude réalisée dans trois wilayas, à savoir Sétif, Constantine et Oran, ont prévu une hausse de ce phénomène dans les années à venir. En dépit de l'absence d'études et d'enquêtes tangibles, les spécialistes estiment que ce «fléau» a atteint des proportions alarmantes. Récemment, la coordinatrice de la santé universitaire du secteur sanitaire de Sidi M'hamed, le Dr Leïla Boulaaras, a fait état d'une hausse sensible du tabagisme parmi la population féminine, sans pour autant donner de statistiques. Dans les universités, les cafétérias, les salons de thé, sur le lieu de travail, il est très courant de croiser des femmes en train de consommer du tabac. Le fléau s'est étendu jusqu'aux lycées et collèges où des jeunes filles fument sans prendre conscience des effets néfastes sur leur santé. Les campagnes de sensibilisation lancées à cet effet n'ont pas eu les résultats escomptés et la gent féminine continue de fumer. Consommer du tabac est perçu comme un signe d'émancipation notamment chez les jeunes femmes. Dans les différentes facultés de l'université d'Alger, des étudiantes fument en groupes sans se cacher. «Pourquoi me cacher pour fumer ? Il n'y a aucune raison pour cela. J'aime la cigarette et je la consomme sans aucune crainte. Chacun est libre de faire ce qu'il a envie», affirme Salima, étudiante au département d'interprétariat à la Faculté centrale. «Finie l'époque des tabous où certaines pratiques étaient la chasse gardée des hommes. Maintenant, la femme est totalement libre et nul ne peut lui imposer la manière de se comporter», intervient Khalida, une autre étudiante. Ces jeunes femmes sont unanimes à dire que la consommation du tabac «contribue à diminuer la pression des études et permet à leurs cerveaux de respirer». En milieu professionnel, la situation n'est pas très différente. «Je ne peux plus me concentrer sur mon travail, sans fumer. Je consomme en moyenne une cigarette par heure. Et le nombre de cigarettes fumées augmente selon la pression du travail», témoigne Akila, 35 ans, cadre dans une banque étrangère. Comme de nombreuses fumeuses interrogées, Akila veut bien arrêter de fumer, mais toutes ses tentatives ont échoué . «Parfois, je me force à diminuer le nombre de cigarettes consommées quotidiennement. Je réussis quelques jours, puis je rechute. Ça y est, je suis piégée», reconnaît-elle. Une bonne partie des fumeuses regrette sa première tentative de toucher au tabac. C'est à l'adolescence que les femmes sont généralement tentées par le tabac. Les conséquences du tabac sur la santé sont négligées par ces fumeuses dont le seul souci consiste à satisfaire un «désir» instantané et «irrésistible». Ainsi, fumer commence par une curiosité, une tentation et finit, dans la plupart des cas, par être un piège… Ahmed Haniche