L'association culturelle Tussna, en collaboration avec la librairie Multi-livres Cheikh, a organisé une rencontre “café littéraire” à la salle de l'hôtel Abzim, au centre-ville de Tizi Ouzou, avec l'écrivain algérien Amin Zaoui. Avant d'entamer les dédicaces de ses deux romans la Chambre de la vierge impure et Festin de mensonges, réédités par Barzakh en 2009, l'invité de marque de l'association Tussna et de la librairie Cheikh répondait, durant plus d'une heure, à des questions pertinentes de l'animateur de la conviviale rencontre, Saïd Chemakh, docteur en littérature berbère et enseignant au département de tamazight de l'université Mouloud-Mammeri (Hasnaoua), devant un vaste parterre de journalistes et de nombreux lecteurs du jeune romancier. Sur son parcours et sur ce qu'est Amin Zaoui, l'ancien directeur de la Bibliothèque nationale dira que c'est la première fois qu'il se retrouve avec ses lecteurs à Tizi Ouzou et c'est un grand plaisir de rencontrer un si chaleureux lectorat. Concernant sa personne, Amin Zaoui, avec sa légendaire modestie, que seuls les grands hommes savent afficher, dira qu'“il est difficile de parler de soi-même ; c'est comme si l'on se regarde dans un miroir, et c'est dur de se dénuder”. Indiquant qu'il y a des écrivains qui ont des nègres pour écrire, Amin Zaoui se considère, lui, comme un simple écrivain amateur qui écrit pour son plaisir. Issu d'une famille lettrée, Amin Zaoui dira avoir hérité d'une riche bibliothèque où il a retrouvé le Livre Saint, les Mille et Une Nuits, Baudelaire… Natif du village Bab El-Assa, dans la région de M'sirda (wilaya de Tlemcen), il apprendra à ses hôtes tizi-ouzéens que sa mère est une Berbère de cette région, parlant couramment sa cheulha maternelle, au point où son père, imam, riait souvent quant à sa façon de parler l'arabe. Il ajoute qu'il existe aussi dans cette wilaya de l'extrême ouest du pays un village qui se nomme Tizi Hibel, justement comme son homonyme de la région de Béni Douala (Tizi Ouzou) qui a vu naître des écrivains de renommée comme Mouloud Feraoun. En rendant hommage à Mammeri, Amin Zaoui, tout en considérant celui-ci comme un “héritier” d'Ibn Khaldoun par sa dimension de véritable écrivain maghrébin, indique avoir travaillé sur la littérature coloniale, de Feraoun, de Mammeri, de Mohamed Dib, de Tahar Bendjeloun, ainsi que celle de Tunisiens, de Mauritaniens… Le conférencier apprendra à l'assistance qu'il a rencontré pour la première fois Mouloud Mammeri à l'occasion du colloque international d'Oujda, au Maroc, les 23 et 24 février 1989, sur la littérature et l'anthropologie auquel il avait participé. Il prit alors rendez-vous avec l'auteur de la Colline oubliée pour parler de ce thème sur le plateau de la Télévision nationale à sa prochaine émission hebdomadaire intitulée “Al Aqouas”. L'anthropologue et chercheur accepta avec plaisir. Pensant être certainement le dernier à l'avoir vu vivant, Amine Zaoui précisera n'avoir pas cru ses oreilles lorsqu'il apprit, par le canal de la Télévision nationale à 20h, la mort du “grand écrivain Mouloud Mammeri” dans un accident de la circulation à Aïn Defla à son retour du Maroc. “C'est dire que nos écrivains ne deviennent grands qu'à leur mort…”, déplore-t-il. À propos de la place de la langue française dans notre pays, l'écrivain regrettera l'absence d'espaces intellectuels mixtes (arabophones et francophones) qui produisent, comme jadis, des valeurs et ont la force de proposition, de dire aux jeunes comment parler librement les deux langues, ou plus s'il le faut. Si l'on veut respecter cette langue, cette richesse, on sait qu'un oiseau vole avec ses deux ailes, sachant aussi que pas moins de cinq millions de personnes partagent cette langue entre la France et l'Algérie, pour dire que c'est malheureux, c'est hypocrite de négliger le français dans notre pays. L'universitaire compte de nombreux autres ouvrages en arabe et en français, traduits pour la plupart dans près d'une quinzaine de langues. Il est auteur de plus d'une vingtaine d'ouvrages (romans, essais…), édités entre 1985 et 2009, tels le Sommeil du mimosa, Fatwa pour Shéhérazade, l'Art des livres, la Soumission, la Razzia, l'Empire de la peur, Haras de femmes, les Gens du parfum, Festin de mensonges, le Hennissement du corps, l'Odeur de la femelle, le Frisson, la Voie de Satan, le Huitième Ciel, la Chambre de la vierge impure, etc.