Cette succession de sinistres laisse poser certaines questions, surtout que la décennie 2000 est marquée par des accidents plus graves les uns que les autres. Il y a une semaine, jour pour jour, un accident a secoué la raffinerie de Skikda. Un énième accident survenu sur la même plate-forme qui suscite des questions légitimes sur la fiabilité de la politique de gestion des risques chez Sonatrach et sur l'opportunité des importants investissements en conseil et en formation consentis par ce groupe. Déjà, la veille, soit mercredi, en début d'après-midi, sur les mêmes lieux, un autre accident a endommagé les canalisations d'hydrocarbures de l'unité bitume. Selon les premières conclusions de l'enquête, c'est le reste du feu, qui couvait, de cet incendie qui a causé celui de jeudi. Un fait grave dans le “risk management”. Avant cela, un autre incendie, le troisième du genre en un mois, a été déjà signalé sur les mêmes lieux. Ces incendies ne sont pas des faits isolés dans le temps. Il y a six mois, un incendie s'est déclaré à la centrale de climatisation de l'unité RA 1K, sur la même plate-forme. La cause de ce sinistre serait un court-circuit causé par les eaux pluviales. Cette succession de sinistres au sein des installations du géant national des hydrocarbures, qui ne lésine pas sur les investissements liés à la sécurité, laisse poser certaines questions, surtout que la décennie 2000 est marquée par des accidents les uns plus graves que les autres. En effet, le mois de septembre 2006, un incendie s'est déclaré au niveau du puits Nezla, à Kaci-Touil, et qui a nécessité de grands moyens pour le maÎtriser. Le sinistre a coûté la vie à 4 personnes et plusieurs blessés. Selon les experts de Sonatrach, ce sinistre majeur, on en parle ainsi quand il y a des dégâts humains, serait dû à un problème technique, soit une non-maîtrise des afflux de pétrole. Une année avant, soit le 4 octobre 2005, une explosion suivie d'un incendie a eu lieu au niveau du bac S106 du terminal arrivée RTE Skikda. Le feu, qui a été pourtant circonscrit officiellement le même jour à 13h15, a repris de plus belle quelques minutes après, et ce, jusqu'à l'apparition de ce que les spécialistes appellent le phénomène de “boilover”, dont l'effet provoquera l'incendie du 2e bac, soit le S105. Cette défaillance coûtera la vie à deux agents. Le drame le plus grave qui a marqué les esprits remonte à janvier 2004 quand la ville de Skikda a été secouée par un grave accident industriel, unique dans les annales de la ville pétrochimique et du groupe Sonatrach. L'essentiel des installations du complexe GL1K a été détruit par un incendie-explosion qui fera 27 morts parmi les employés de Sonatrach. Pour ces deux derniers accidents, qui sont en fait les premiers sinistres majeurs enregistrés à Skikda, et qui sont les plus fatals dans l'histoire de la pétrochimie du pays, soit les explosions du GL1K et des bacs du terminal de la RTE, ce sont à la fois des causes “hard” et “soft” qui sont à l'origine de ces calamités. Pour l'explication du côté “hard”, on disait que ces “usines pétrochimiques”, à la conception caduque, étaient dotées de “barrières” ne répondant plus aux nouvelles exigences “cindymiques”, pour reprendre la terminologie des professionnels de la sécurité industrielle. Pour l'explication du côté “soft”, on avançait l'absence, chez Sonatrach, d'un “risk management” performant. S'il faut noter que les accidents ne sont pas le propre de Sonatrach, il faut admettre que le phénomène existe même chez les plus performants des groupes pétroliers, à l'image du géant et leader britannique British Petrolium. Toutefois, il faut aussi reconnaître que si l'on se réfère à “la pyramide de Bird”, la différence réside, chez nous, dans la fréquence des sinistres et cette facilité de passer du stade de “presque risque” (sans pertes humaines et dommages irréversibles sur les installations) à celui de “risque majeur”. À remarquer, aussi, que les incendies chez Sonatrach ne se limitent pas aux seules installations de production. Ainsi, le 30 juillet dernier, lors d'un incendie dans une annexe de son centre de perfectionnement à Arzew, trois employés ont péri. Tous ces sinistres ont eu lieu au moment où le groupe dispose, depuis au moins 2003, d'une superstructure de “risk management” et au moment où il dépense des milliards dans des conseils et des formations qu'on disait adaptés. À titre d'exemple, depuis 5 juin 2007, l'hôtel Sheraton d'Oran abrite, deux jours par semaine, des workshops dédiés au “safe behaviour” au profit des employés du groupe pétrolier. Sur six ans, ce sont 120 000 employés qui devraient être touchés par ce programme en relation avec, justement, la thématique du risk management. Du coup, au moment où ces sinistres se déclarent les uns après les autres, Sonatrach débourse 100 000 DA par session de deux jours et par stagiaire. Quand on sait que la participation des employés, à ces séminaires dans des 5 étoiles, atteint par moments le pic de 600 participants par session, on dégage une première idée sur la facture payée. C'est vrai que la sécurité n'a pas de prix, mais sa gestion a des indices qui permettent de l'auditer.