Ici l'histoire ne s'écrit pas seulement dans les livres. Le centre médiéval de la ville de Pérouse la raconte à sa façon. Tout ou presque est gardé en l'état comme si les événements dataient d'hier. Et pourtant ! “Une histoire italienne”, c'en est vraiment une. Il ne s'agit pas du film de celle qu'on a nommée en 2009 comme étant la plus belle femme du monde, Monica Anna Maria Bellucci, qui est pourtant née et a grandi dans la province de l'Ombrie dans le centre de l'Italie. Dans ce pays aux mille histoires, la civilisation n'est pas que romaine. Chaque région a la sienne dont elle tire sa fierté. Des siècles d'événements aussi douloureux les uns que les autres, mais qui ont, au fil des ans, construit la personnalité de Pérouse ou Perugia en italien, capitale de l'Ombrie. Et les Pérousins en sont jaloux et la racontent comme un haut fait de leur histoire. Et l'histoire ici est liée au pain. Eh oui ! Dans cette province à quelque 184 bornes à l'est de Rome, on le mange sans sel. Si l'histoire dit que les Pérugins montrent un caractère posé, tranquille, mais très affirmé, il n'en reste pas moins que la ville est anticléricale. Et c'est la répression féroce du pouvoir séculier des papes qui a été transmise à travers les générations jusqu'à aujourd'hui. On nous explique ainsi que les habitants de la ville se sont révoltés contre le Pape, à la fin du XVIIe siècle, suite à une augmentation excessive des taxes sur le sel, car, à l'époque, le sel avait valeur de monnaie. Un crucifix de bois a été même “offert” par les Pérugins à la cathédrale Saint-Laurent. Ce qui rappelle, nous dit-on, cette réaction historique à l'interdiction qui avait suivi cette révolte qui a mis un terme à l'oppression du pape, mais qui n'a pas éloigné les Pérousins du christianisme. Et depuis, les boulangers fabriquent du pain sans sel. Il est vrai qu'en un demi-siècle de siège, la génération qui y naît n'a pas connu le goût du sel, et c'est resté donc dans la tradition jusqu'à présent. Une réputation de gens de parole C'est une réputation d'une société de parole qui demeure collée à Perugia. Il n'en faudra peut-être pas plus lorsqu'on sait que le siège de cette cité qui a duré près de 50 ans dont les forts construits sur les hauteurs de la ville à cette époque ont été sauvegardés jusqu'à maintenant. Son centre médiéval, les deux murailles et tous les monuments religieux font encore parler d'eux. En les parcourant, nous avons cette impression qu'on n'a pas besoin de guide pour nous expliquer ce qui s'est passé dans ces endroits depuis plus de 800 ans. Ici, les murs parlent ! À eux seuls, c'est toute une histoire qui est racontée à travers les formes des constructions, les larges ruelles et les bâtisses qui ont résisté à plusieurs séismes de l'époque, et les statues pesant des tonnes accrochées sur les murs de ces enceintes millénaires. De l'agriculture à l'agriculture Pérouse qui compte quelque 200 000 d'habitants dans une province de près d'un million d'âmes n'a pas d'accès à la mer. C'est la seule région d'Italie qui est privée d'un débouché sur la grande bleue. Mais les Pérousins ne le regrettent pas pour autant et mettent en avant leur héritage de l'histoire très mouvementée qu'a connue cette cité antique, pour attirer le plus de visiteurs. Il faut dire que l'écrasante majorité du territoire est composée de collines. Le reste est montagneux. À l'extrémité orientale se trouve le point le plus élevé : le Monte Vettore, qui culmine à 2 448 m. La région est riche en eau. Le Tibre, troisième fleuve italien, la traverse du nord au sud. L'Ombrie est divisée en deux provinces, Perugia, chef-lieu régional (la ville porte le même nom que la province), et Terni. Les villes importantes sont Foligno, Città di Castello, Spoleto et Gubbio. L'économie, basée essentiellement sur l'agriculture, s'est transformée durant les trois dernières décennies en une véritable industrie. Ce qui n'a pas été sans conséquence sur le mode de vie sociale qui s'est vu lui aussi chamboulé. Les cultures principales sont celles des oliviers, de la vigne et du tabac. Le tourisme se développe lentement, mais il faut dire que la sérénité de la région attire un autre type de visiteurs. Mais cela demeure très faible par rapport à d'autres régions comme Rome, Milan, Florence… La vie y est très paisible. C'est beaucoup plus une ville estudiantine où les gens vivent au rythme des cycles universitaires. Beaucoup d'étudiants étrangers y viennent. Mais en été, cette ville devient une destination pour ceux qui préfèrent la tranquillité et l'air pur de la forêt. Mais c'est aussi pour le Festival du jazz (Ombria jazz) qui a eu lieu chaque mois de juillet et pour le chocolat (usine de Nestlé Perugina) que le déplacement vaut la peine. Les chemins qui montent… En tout cas, ce sont les chemins qui montent. Et c'est le cas de le dire. De l'entrée de la ville jusqu'au centre, c'est une longue pente à “gravir”. Le centre-ville est à plus de 500 mètres d'altitude. Mais on ne se rend pas compte de la distance, même s'il faut parcourir 5 longues bornes sinon plus pour arriver au centre-ville. La route est parsemée de magasins, de supermarchés, de boutiques de tabac, de restaurants-pizzerias et de cafés-bars ; et si l'on veut découvrir chaque recoin et contempler les paisibles quartiers, il faut alors prendre tout son temps. Ici, on ne parle que l'italien. Parfois négocier pour l'achat d'un présent devient tout une histoire. Mais on finit par s'y plaire tant que votre vis-à-vis cherchera dans sa mémoire et dans ses souvenirs d'école des mots de français ou d'anglais pour vous expliquer ou comprendre ce que vous lui demandez. Les familiarités méditerranéennes C'est quand même assez plaisant et souvent les discussions aboutissent à ce que nous Algériens adorons, c'est-à-dire parler de soi, ce qu'on fait et pourquoi on est là. Et les Pérousins apprécient aussi ce côté familier qui fait aussi partie de la culture italienne et méditerranéenne en général. Un escalier mécanique a été construit pour soulager aussi bien les Pérousins que les touristes. Mais c'est vers la fin des années 1980 que les autorités locales ont décidé de construire des escaliers mécaniques afin de faciliter la circulation non seulement aux résidents, mais aussi aux visiteurs de circonstance ou aux touristes qui y viennent durant l'année. Le constat que pourrait faire le visiteur dans cette ville, c'est qu'il n'y a pas de taxis qui circulent comme on a l'habitude de les voir dans les autres villes. Mais on nous explique que chacun à sa voiture ici, et d'ailleurs on dit même que la voiture est le premier investissement d'un Italien avant le mariage. Sans compter que le transport public est très renforcé dans cette région qui enregistre zéro encombrement. Les taxis sont garés à la station qui jouxte la station de bus près du centre-ville. La marche à pied est alors le moyen le plus indiqué pour découvrir la ville, surtout pour les amateurs de pizza qui ont l'embarras du choix. “On vous fait un plat à partir de rien, une aubergine, une tomate et du fromage, et le tour est joué”, nous dit le guide. La cuisine est raffinée et l'huile d'olive extra-vierge y est pour beaucoup dans le goût. Et l'hospitalité ajoute au charme de cette belle province, cet esprit convivial que l'on retrouve rarement en ces temps de crise.