La deuxième soirée du Festival national du théâtre professionnel d'Alger a été marquée par l'entrée en lice de la pièce 20 Minutes, de l'association El Chourouk de Mascara, lauréate du Grand prix, lors du Festival régional du théâtre régional de Sidi Bel- Abbès, en mars dernier. Mise en scène par Mohamed Frimahdi et adaptée par Djassam Kendil, d'après le roman Le Portrait de Dorian Gray, d'Oscar Wilde, la pièce, d'une heure dix minutes, traite de plusieurs thèmes à la fois (tout comme le roman d'ailleurs), notamment de la beauté, de l'esthétique, de la morale et de la jeunesse éternelle. 20 Minutes, c'est l'histoire de Dorian Gray, un dandy anglais d'une beauté exceptionnelle, mais narcissique, imbu de sa personne, cupide, vaniteux et hypocrite. Il fait le vide autour de lui et n'aspire qu'à vivre l'instant. Mais, dans sa quête d'absolu : la jeunesse éternelle, Dorian détruit son entourage. Il détruit le peintre, Basil, qui tombe fou amoureux de son image et qui peint son portrait — un portrait maudit ; il détruit Sibyl, qui ne parvient pas à trouver le bonheur auprès du poète Lampard, qui lui voue pourtant un amour sincère. Dorian Gray ne semble écouter que les remarques et autres conseils du Lord Henry, qui pervertit totalement son esprit. La pièce 20 Minutes est un drame existentiel, qui propose une relecture, assez désinvolte et peu crédible, du somptueux roman d'Oscar Wilde. À la différence de ce dernier, très proche du courant philosophique de l'hédonisme, l'adaptation ne répond à aucun critère ou notion du beau. Elle est brouillonne et sans aucune prétention artistique. Le metteur en scène, Mohamed Frimahdi, a limité les déplacements des comédiens, qui évoluaient dans quasiment le même espace scénique ; mais ceci pourrait être expliqué par l'inadaptation des comédiens à cette nouvelle scène, l'une des plus grandes en Algérie. Cette nouvelle vision du personnage emblématique de la littérature anglaise et de l'esprit anglais n'apporte rien de nouveau. Elle est même assez décousue, voire désinvolte. Contrairement à celle de la veille, la scénographie d'Abdelhalim Rahmouni reste modeste, bien que le décor soit adaptable à toutes les situations. La musique aux accents dramatiques, signée Aminoss, a meublé, quelque peu, le vide, le grand vide, du jeu de scène. En effet, les comédiens, mous et peu convaincus de leurs textes, sont totalement passés à côté de leurs personnages, si complexes. Aucune composition et aucune caractérisation des personnages. Hadj El-Houari Chikhaoui, Fatima Belarbi, Mokhtar El-Houssine, Youcef Sehiri et Mohamed Abdelhakim Mebani ont joué et non incarné. Ce sont des individus sans assurance, qui récitent un texte en arabe classique, sans comprendre le réel propos. Pourtant, un travail a été réalisé et il est largement visible, même si ceci demeure insuffisant, dans une compétition nationale. Toutefois, le mérite de cette pièce aura été de nous inciter à lire et/ou relire Oscar Wilde. Et c'est très bien ainsi.