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“Les pays arabes n'ont pas de stratégie énergétique”
LE PROFESSEUR CHEMSEDDINE CHITOUR, DIRECTEUR DU LABORATOIRE DE VALORISATION DES ENERGIES FOSSILES À L'ENP, A LIBERTE
Publié dans Liberté le 30 - 05 - 2010

Une vision d'avenir pragmatique. Le regard averti et savamment critique du professeur Chemseddine Chitour, enseignant à l'Ecole nationale polytechnique, lui fait dire dans cet entretien que la seule issue pour l'Algérie en particulier et le monde arabe en général reste le développement des stratégies énergétiques intégrées.
Liberté : Lors de la journée d'étude organisée par l'Ecole nationale polytechnique, il y a quelques semaines, vous aviez donné une conférence sur “La stratégie énergétique du monde musulman”. Que vouliez-vous démontrer à travers cette problématique ?
ll Chemseddine Chitour : Le monde musulman d'aujourd'hui est constitué essentiellement d'une cinquantaine de pays répartis entre l'Asie et l'Afrique. Ils occupent une superficie totale de 24 millions de kilomètres carrés. Néanmoins, des communautés considérables de musulmans vivent dans des pays non-musulmans tels l'Inde, la Chine, l'Albanie, la Bosnie, la Côte d'Ivoire et le Cameroun, sans oublier les immigrés musulmans qui vivent en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord. Le monde musulman comptait, fin 2009, plus d'un milliard 485 millions d'individus, soit un peu plus du cinquième de la population mondiale. En l'espace de 30 ans, la population a pratiquement doublé. La croissance annuelle est estimée actuellement à 2%. Nous constatons une grande disparité entre les PIB par habitant des pays constituant le monde musulman. Cela est dû au fait qu'une partie de ces pays est riche en énergies fossiles qu'elle exporte en grandes quantités. De ce fait, les recettes sont considérables, surtout ces dernières années. L'essentiel du PIB est dû à la rente pétrolière. Les pays asiatiques ont un PIB qui est surtout dû à l'industrialisation. Le PIB par habitant dans le monde musulman croît considérablement, il est passé de 2 250 dollars en 1990 à 5 250 dollars en 2008. Avec une telle tendance, il atteindra 15 000 dollars à l'horizon 2030. Une telle croissance ne signifie pas que le mode de vie des populations musulmanes s'améliore, loin de là, car il n'y a pas de création de richesses.
Plus d'une cinquantaine de pays, dont 22 pays arabes (300 millions dont 85 millions de Maghrébins), s'étendent sur les cinq continents. Du point de vue du PNUD, le monde musulman est mal classé, selon les indicateurs internationaux, à l'image de l'Indice de développement humain qui conjugue plusieurs paramètres tels que le système éducatif et sa performance, la santé et l'accès aux soins, la richesse, les libertés... Le seul paramètre à l'actif est celui de la jeunesse qui constitue plus de 50% de la population. Du point de vue justement de l'éducation, le PNUD classe les pays musulmans arabes pratiquement au dernier rang. Sur les 5 000 premières universités au monde, aucune n'est arabe. Le monde arabe, dans son ensemble, publie moins d'ouvrages qu'un petit pays comme la Grèce. En un siècle, il n'y a que trois prix Nobel (physique, chimie et littérature). La maîtrise de la demande future d'énergie et des conditions d'approvisionnement constitue un enjeu politique majeur pour l'ensemble de la planète. Elle est rendue d'autant plus difficile que l'humanité doit faire face à un double défi : celui de la satisfaction des besoins énergétiques d'une population mondiale qui croîtra encore au cours des prochaines décennies, et dont une large part aspire à un développement économique et social fondé sur une demande accrue d'énergie. Celui posé par la nécessaire diminution des émissions des gaz à effet de serre, inhérentes à l'utilisation des combustibles fossiles, et des émissions d'autres gaz polluants, qui menacent les équilibres climatiques et environnementaux de la Terre. C'est tout l'enjeu du développement durable qui est lié à une basse consommation pour une richesse qui devrait augmenter.
D'après BP Statistical Review, à la fin de 2008, les consommations mondiales d'énergie primaire se sont élevées à 11 295 millions de tep, assurées par le pétrole (3 927,9 millions de tep), le charbon (3 303,7 millions de tep) et le gaz (2 726,1 millions de tep) et l'énergie nucléaire (619,7 millions de tep) et l'énergie hydraulique (717,5 millions de tep). Parmi ces énergies, le pétrole, qui représente 35% du bilan (contre près de 50% en 1973), possède, avec les carburants, un vaste marché spécifique sur lequel il ne se heurte encore aujourd'hui à aucune concurrence sérieuse. En revanche, si l'on devait faire le point des ressources énergétiques, le monde musulman détient les deux tiers du pétrole et la moitié du gaz naturel du monde. Il exporte pour environ 25 millions de barils/jour de pétrole (30%) et près de 250 milliards de m3 de gaz. Du point de vue de la stratégie énergétique, mis à part les pays musulmans non arabes (Indonésie, Iran, Malaisie... ), il n'y a pas de stratégie énergétique, si ce n'est vendre encore plus de pétrole et de gaz. La pénurie des ressources hydriques, l'après-pétrole, les changements climatiques, voire le développement durable sont des concepts encore étrangers aux pays arabes, et le pic pétrolier, longtemps nié d'une façon complice aussi bien par les compagnies pétrolières que par les pays de l'OPEP, devient de plus en plus présent dans le discours actuels. Le monde musulman devrait, en toute logique, revoir fondamentalement sa stratégie pour compter dans le nouveau partage du monde après le délitement de la “vieille Europe” et les soubresauts des Etats-Unis, l'avenir appartiendra inexorablement à l'Asie, comme l'avait montré l'ambassadeur singapourien Kishore Mahbubani. Il devra mettre à profit les formidables atouts des pays musulmans arabes qui doivent se départir de la mentalité de rentiers paresseux et aller vers le progrès en développant des stratégies énergétiques intégrées.
Existe-t-il une stratégie ? Pourquoi ?
ll Compte tenu des enjeux du futur et des stratégies mises en œuvre dans les pays industrialisés, proposer des pistes de réflexion sur ce qui pourrait permettre une “Nahda” basée sur la science et la technologie.
En tant que responsable du Laboratoire de valorisation des énergies fossiles, vous croyez en la “théorie” du Pic Oil : pensez-vous que nous sommes en train de gaspiller notre énergie stock ? Que proposez-vous en tant que chercheur ?
ll Le Pic Oil est une réalité, il n'est plus tabou. Certains experts, comme Jean Lahérrère, pensent qu'il est derrière nous. D'autres qu'il arrivera vers 2012. Je pense que nous sommes sur un mini-plateau annonciateur du déclin, la production stagne autour de 85 millions de barils/jour depuis trois ans. Il est possible qu'en 2030, on atteigne difficilement les 100 millions de barils /jour. Il est admis que le pétrole ne sera plus prédominant à partir de 2040-2050. Cela veut dire qu'une autre civilisation devra se mettre en place, une civilisation décarbonée. Le secteur qui va le plus en pâtir est celui du transport routier. On pense déjà aux véhicules hybrides avec piles à combustible. L'hydrogène sera une énergie de l'avenir. On dit que les réserves de gaz seraient de 4 500 milliards depuis dix ans. Cependant, rien ne prouve que les découvertes annuelles couvrent l'hémorragie de production évaluée à plus de 100 milliards de m3 actuellement et à près de 160 milliards d'ici à quelques années (2015). Que doit faire le pays ? Doit-il continuer à investir dans les deux GNL en construction pour un marché incertain ? La déréglementation, le refus de plus en plus et la remise en cause du take or pay, l'arrivée en masse des gaz non conventionnels et le recours aux énergies alternatives pour produire de l'électricité en concurrence avec le gaz font que l'avenir est sombre. Avec le prix actuel du gaz et certaines prévisions entre 2010/2015, il sera impossible de rentabiliser ces installations de GNL. La question qui se pose est pourquoi on continue cette hémorragie de production du gaz, alors que son prix est très bas ! Cette chute était prévisible puisque depuis dix ans, les Américains travaillaient sur les gaz non conventionnels qui ont bouleversé par leur volume le marché du gaz. Ce n'est pas un besoin de financement (150 milliards de dollars sont dans les banques américaines). N'aurait-il pas mieux valu freiner, voire arrêter dans une grande proportion la vente d'hydrocarbures en allant vers les économies d'énergie, les énergies renouvelables ? Encore une fois, notre meilleure banque, ce ne sont pas les banques américaines, c'est notre sous-sol. Il nous faut en rationaliser la consommation et la production. Depuis plusieurs années, les découvertes ne couvrent pas la production. Nos réserves s'amenuisent inexorablement et rapidement. On peut comprendre aisément que l'Algérie a perdu des millions de dollars en continuant à vendre son gaz à un prix aussi dérisoire. Peut-elle diminuer sa production ? Doit-elle attendre une hypothétique entente avec les membres du Forum du gaz ? Ou doit-elle revoir toute sa politique énergétique d'une façon fondamentale ? Dans ce cas, mettre en place des états généraux de l'énergie qui aboutiraient à un cap. C'est cela qu'il faut faire sans plus tarder, cela donnera des opportunités de travail et de création de richesses aux milliers de diplômés universitaires et de la formation professionnelle ; les défis du futur (énergie, eau, l'environnement et la sécurité alimentaire) doivent être appréhendés dans ce cap que nous appelons de nos vœux, en mettant en place ce fameux bouquet énergétique où toutes les énergies renouvelables et non renouvelables seraient utilisées. Le développement durable prendra alors sa pleine signification. Nous n'avons pas encore, il faut le regretter, une vision claire de l'avenir des énergies renouvelables, car nous peinons à mettre en place une stratégie énergétique basée sur un modèle prévisionnel à 2030, où les énergies renouvelables prendraient graduellement la place des énergies fossiles. Nous pouvons et nous devons faire de même avant qu'il ne soit trop tard et que l'on se retrouve dans trente années avec des réserves épuisées et sans relève par les énergies fossiles. La stratégie énergétique est l'affaire de tous, le gouvernement, la société civile, les universitaires et même les écoliers — ceux qui seront les concernés en 2030 — à qui on inculquerait une nouvelle vision progressive du développement durable visant à former l'éco-citoyen de demain à la place de l'égo-citoyen d'aujourd'hui.


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