Le crime ne développe pas ses mille facettes comme certains pouvaient l'imaginer à Bordj Bou-Arréridj. Les faits anecdotiques ne manquent pas. De l'évasion fiscale aux ateliers clandestins qui s'implantent dans la cité pour parasiter la zone industrielle et la zone d'activités, les Bibans forment ce grand et incontournable carrefour qui mène et bifurque sur la Soummam, Aïn El-Fouara, Tubirets ou encore le Hodna. “Je vous donne la seule image qui me revient à l'esprit quand je suis venu m'installer et cherchez l'erreur. Autrefois, BBA était une famille. Une seule et vraie famille. Dans certaines localités, cet état d'esprit demeure encore irréprochable. Aujourd'hui, notre région est à la merci de plusieurs inconnues. Tout a changé. À commencer par les petites agglomérations où il y avait le goût de la vie. BBA s'est vite développée. Elle est envahie de toutes parts. Certes, on reconnaît ses authentiques enfants, mais dans la foule qui s'y greffe, il n'est pas aisé de faire la différence. Tout le monde a l'impression que cette région est devenue l'eldorado à cause du rush des investisseurs, grâce à qui beaucoup de jeunes ont fait une situation. Mais, parallèlement, personne ne fait valoir ce qu'on perd comme coutumes et valeurs. Comme toutes les villes d'Algérie qui s'épanouissent d'ailleurs !” Le chiffre 34 plaqué sur les voitures comme sur les camions et les semi-remorques — s'il nous renvoie dans l'immédiat au nom d'une wilaya qu'est BBA — inspire surtout le tempérament des chauffeurs de taxi et véhicules de gros tonnage. Le groupement de wilaya de la Gendarmerie nationale, avant de mettre en avant la moisson de ses unités en matière de lutte contre la criminalité, nous fera le point sur cet aspect majeur et prioritaire. Moins d'accidents de la circulation en ce début de l'année 2010, avec l'ouverture du tronçon de l'autoroute Est-Ouest et les dispositions du nouveau code de la route, mais davantage de blessés et de morts, chaque sinistre tient sa “patibulaire” promesse. La raison : l'excès de vitesse et la conduite en état d'ébriété. Mais attention aux faux clichés ! L'opération coup-de-poing à laquelle nous assisterons justifiera cette “mammographie” par des faits saillants. Ne dit-on pas que le hasard fait bien les choses ? Et cette légendaire boutade s'applique justement à ce camion à gros tonnage intercepté lors d'une vérification de routine. Sur l'axe routier de Maâza (El-Euch), jalonné par un Escadron de sécurité routière (ESR), le chauffeur priera tous les dieux pour échapper au coup d'œil des hommes en vert. Il tentera même de justifier qu'il détient la facture et la “feuille de route” et qu'il les avait oubliées. Hélas ! Coïncidant avec le deuxième jour du week-end, le convoyeur ne réussira pas à faire avaler la pilule aux agents de l'ordre, car aucune usine n'approvisionne ses clients en matériaux de construction durant les journées de repos. La vérification minutieuse des documents en sa possession prouvera que les 20 tonnes de ciment embarquées sont bel et bien destinées à la contrebande, donc au marché parallèle. Le camion et la marchandise saisis, les gendarmes convoquent le chauffeur le dimanche matin, afin de lui établir un procès-verbal. À peine l'information enregistrée qu'une autre affaire aussi proéminente nous parvient de la cité 1008-Logements. Dans cette métropole de BBA, les gendarmes tombent sur un atelier de fabrication de produits cosmétiques, de détergents et de produits alimentaires. Un atelier, tout ce qu'il y a de plus insalubre, où plusieurs marques de produits sont contrefaits. À la faveur de la nuit, le propriétaire prendra la fuite à la vue des gendarmes. Le pot aux roses sera découvert dans cette vulgaire manufacture. La moisson parle d'elle-même : 100 flacons en plastique vides, destinés au conditionnement de shampoing, 2 028 bouteilles en plastique vides portant la marque Extra, 1 664 flacons en plastique sans aucune effigie, 1 800 canettes destinées au conditionnement des lave-vitres, des accessoires de manutention emballés dans des boîtes, des dizaines d'autres flacons sans nom commercial, des quantités de sel, 8 fûts, des liquides chimiques… Mais les contrefacteurs ont surtout investi dans les marques et les modèles déposés afin d'inonder le marché. On en trouvera d'ailleurs les lave-sols Galaxy, les lave-mains Sensation de Jasmin et les dépoussiérants Polich. Plus grave encore, dans cet atelier, on développe les effigies des matières végétales pour fabriquer des couches-culottes et de la margarine ! Arrestation de 16 insoumis recherchés par la justice BBA n'est pas le point nodal des narcotrafiquants. Pour preuve, les 26 cas, constatés de janvier à fin avril dernier, sont tous mis en cause dans la consommation de stupéfiants que dans le trafic ou le recel. Toutefois, 893 décisions de justice ont été exécutées par les gendarmes en vertu de mandats d'amener alors que les procès-verbaux de justice ont connu une croissance de 300% pour passer à 585 cas en quatre mois. Des chiffres astronomiques qui renseignent sur la masse d'activité des gendarmes. Ces derniers ont, par ailleurs, réussi à arrêter 16 personnes recherchées par la justice pour insoumission, lors de la même opération. En effet, ces mis en cause ont été appréhendés suite aux 275 identifications effectuées et 2 271 fouilles sur les personnes et les transports en commun. Les identifications ont également concerné 104 véhicules. Deux voitures, une Renault Clio, dont la carte grise est falsifiée, et une Peugeot 504, dont le numéro de châssis est frappé à froid, ont été saisies et font l'objet d'enquêtes. En revanche, c'est la valeur des marchandises qui est revue à la hausse. En effet, de 38 millions de centimes, elle est passée, tenez-vous bien, à près de 12 milliards en quatre mois seulement. “Nous occupons graduellement le terrain et nous changeons de tactique en fonction des renseignements que nous glanons. Nous avons organisé 10 opérations coup-de-poing en quatre mois et le nombre d'affaires a sensiblement augmenté. Les trafiquants de ciment et d'or se sont organisés en réseaux, mais nous avons aussi nos parades à ces phénomènes”, explique le commandant du groupement de BBA, Abdelkader El-Ourabi. Mais, il y a aussi le trafic de devises étrangères. Là, nous dit-on, les investigations se poursuivent car de grosses sommes sont acheminées vers la Tunisie et les pays du Golfe. De grandes complicités ont, à ce sujet, été établies au niveau des banques, où des documents officiels sont délivrés pour permettre aux cambistes de passer “légalement”, tant au niveau des axes routiers qu'au niveau des frontières. À cet effet, au moins cinq cadres et responsables de banques et de succursales sont mis en cause.