Auteur d'un livre ayant soulevé une polémique qui n'en finit pas, le chef du RCD a achevé, lundi, par une conférence de presse à Paris, une tournée française qui l'avait d'abord conduit à Marseille puis à Lyon où il a débattu avec le public autour de son livre sur la mort du colonel Amirouche. La rencontre avec le public marseillais restera sans doute comme la plus émouvante. Dans la salle, un homme s'est levé et s'est présenté comme un ancien officier de l'armée française ayant participé à l'opération qui a conduit à la mort du héros national. Après avoir exprimé son admiration pour le général Leclerc, qui a libéré Paris de l'occupation nazie, l'homme dit que le colonel Amirouche a pris une place encore plus importante dans l'échelle de son estime d'officier. Prudent, Saïd Sadi a souhaité que l'identité de cet homme puisse être vérifiée. Il n'a pas rapporté ce témoignage spontanément, mais en réponse à la question d'une femme lui demandant s'il n'avait pas idéalisé le personnage d'Amirouche, mort à l'âge de 33 ans. Invité par l'Association culturelle berbère (ACB) pour un débat animé par le journaliste Arezki Metref, l'auteur de Amirouche : une vie, deux morts, un testament a rencontré un public attentif et intéressé. Il a commencé son intervention par la remise en cause d'un certain nombre de clichés volontairement semés par le pouvoir colonial et entretenus après l'Indépendance : Amirouche serait un sanguinaire, doublé d'un intégriste anti-intellectuel. Convoquant témoignages, anecdotes et documents, M. Sadi a démenti cette “propagande”. Il s'étonne de la fierté du Malg qui revendique 2 000 cadres à l'indépendance ; selon lui, nombre d'entre eux ont été envoyés en formation par Amirouche lui-même pour être mis au service du gouvernement. Au lieu de cela, ils ont été retenus par le Malg pour servir dans les transmissions. Il a, par ailleurs, estimé que la réponse du Malg, loin de démentir sa thèse, lui a fourni d'autres arguments qui la renforcent. La polémique est revenue lors de la conférence organisée au Centre d'accueil de la presse étrangère. “Je viens de publier un livre sur le colonel Amirouche dont le parcours et la séquestration de ses restes par Boumediene sont un vrai condensé de l'histoire algérienne d'avant et d'après-indépendance. Les réactions massives, passionnées et souvent violentes soulevées par cet ouvrage sont, me semble-t-il, un double signal. D'une part, le peuple algérien veut connaître la vérité sur son passé, d'autre part, du côté du pouvoir, il n'y a aucune volonté à admettre la nécessité de prendre acte de la fin d'une époque pour en anticiper les suites et éviter au pays une fin de règne chaotique.” “Il en a été ainsi du pluralisme politique qui n'a vu le jour qu'après la tragédie d'octobre 1988, alors qu'à l'évidence, le régime de l'époque était à bout de souffle. Du coup, l'irruption de la démocratie arriva par effraction et sous contrainte ; ce qui fait que l'on en mesure aujourd'hui les limites. L'Algérie ne vit, certes, pas sous le parti unique, mais elle est toujours régie par la pensée unique.” Cette transition de l'histoire vers l'actualité le conduit à observer un pays où “les jeunes se réfugient au maquis ou se jettent à la mer, où les cadres fuient pour préserver leurs enfants d'un système éducatif suicidaire et où le divorce entre peuple et dirigeants n'a jamais été aussi patent”. Il cite le chiffre de 43 000 cadres algériens qui ont fui vers le Canada au cours de ces dernières années. Pour lui, il n'y a plus d'Etat, mais un “conglomérat de clientèles liés par des archaïsmes tribaux d'où des risques évidents de dérapages”. Il en veut pour preuve la gestion des conflits souvent par la violence et ne cache pas son écœurement sur le manque de visibilité, de lisibilité de l'action gouvernementale. Un peu comme si l'Algérie navigue à vue et sans aucune ambition affichée. “Pour se rassurer, les différentes sectes se réfugient dans le recrutement tribal, chacune squattant l'espace qui lui est dévolu. Il n'y a plus d'Etat en Algérie. Les archaïsmes régionalistes ont étouffé les valeurs nationales laborieusement configurées par la guerre de Libération. Cet évanouissement éthique et la confusion politique qu'il génère ont transformé l'Algérie en jachère où divers concurrents se disputent les restes d'un cadavre.” Interrogé sur la corruption, il a estimé que les dossiers réels sont bien plus chargés que ceux révélés par la presse. Ce ne serait que l'écume de son point de vue. Comme l'est, par exemple, le cas de Djezzy dans le dossier Orascom. Djezzy c'est, selon lui, “peanuts” (insignifiant) comparé aux affaires du groupe égyptien dans le sud du pays. Le salut de l'Algérie, a-t-il répété, est dans le changement de régime, lequel ne peut être rendu possible que par la fin de la “fraude électorale”. C'est dans ce dossier que, de son point de vue, doivent peser les partenaires étrangers comme l'UE et les Etats-Unis.