Amirouche, une vie, deux morts, un testament est sans doute un livre qui fera date. Son auteur, Saïd Sadi, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), a animé hier à Tassaft, wilaya de Tizi Ouzou, une conférence autour de ce pan de la mémoire nationale que d'aucuns ont essayé de salir. “Il y avait une injustice sur l'homme, mais à travers lui, c'était toute la résistance algérienne qui risquait d'être atteinte”, affirme d'emblée le Dr Saïd Sadi devant une assistance nombreuse et en présence de plusieurs anciens maquisards, dont Tahar Bouzeghoub et Rachid Adjaoud. C'est en s'appuyant sur des témoignages d'acteurs du combat libérateur que Sadi a pu restituer la vérité historique. Les recherches qu'il a menées au sujet du parcours et du combat du colonel Amirouche ont permis à Saïd Sadi de déceler trois invariants dans le combat de l'homme du Djurdjura, dont la marque de fabrique était établie très tôt. D'abord Amirouche faisait abstraction des barrières sociales ; ensuite, en plus d'être un homme de terrain, Amirouche était un homme de réflexion et, enfin, il y a une dimension éthique chez celui qui a organisé la sécurité du Congrès de la Soummam. Selon l'orateur, l'idée de l'indépendance de l'Algérie n'a jamais fait le moindre doute chez Amirouche. Dans les PV du commandement de la Wilaya III, l'indépendance était inéluctable. C'est grâce à un homme comme Amirouche que le Congrès de la Soummam, qui a fixé les perspectives politiques à la Révolution algérienne, a pu se dérouler. Amirouche avait mobilisé 3 000 soldats pour la protection du Congrès, et si celui-ci a permis une mise en perspective politique de la nation, c'est d'abord grâce à Abane et Amirouche, affirme encore le conférencier. Ce dernier dira, au sujet de l'opération “la bleuïte”, qui avait pourtant touché presque toutes les wilayas historiques du pays, que “c'est un crime contre la mémoire nationale que de dire que Amirouche était un anti-intellectuel”. “L'Histoire a été manipulée”, regrette le président du RCD. Le livre qui est sous presse et en attente du numéro ISBN restitue Amirouche dans toute sa dimension d'homme d'Etat. “La séquestration des restes des colonels Amirouche et Haouès sera probablement l'un des traumatismes subis par le pays qui mettra le plus de temps à cicatriser, quand l'Algérie pourra parler à sa conscience”, écrit l'auteur dans la préface du livre. La falsification de l'Histoire a ouvert la voie, estime Sadi, “aux bonimenteurs de la mémoire, eux-mêmes précurseurs des escrocs politiques qui ont façonné un passé à la convenance des appétits et des humeurs de despotes parasitant l'honneur et le destin de la nation”. Refusant de faire de l'Histoire un enjeu partisan, Saïd Sadi considère que la crise actuelle trouve ses racines dans le passé falsifié et tourmenté de l'Algérie. “Les assassinats politiques, les fraudes électorales ou les détournements de la ressource nationale sont les traductions, au sens génétique du terme, d'une tare originelle que seule une mutation à la mesure de l'aberration pourrait corriger”, écrit-il. L'auteur est revenu longuement sur la séquestration du corps du colonel de la Wilaya III, “privé de vie par l'armée coloniale” et “interdit de mort par Boumediene”. Le récit, plein de révélations comme cet épisode où “Ben Bella avait alerté, après le Congrès de la Soummam, Fathi Dib, responsable des services spéciaux égyptiens, sur le risque que ferait peser sur la Révolution algérienne la rencontre du 20 août 1956” dès lors qu'elle était décidée par “deux acteurs kabyles”, Abane et Krim, promet d'apporter la vérité sur un pan de la mémoire nationale. “Il faut que la vérité éclate pour éviter au pays de vivre les mêmes erreurs”, conclura le Dr Sadi, dont le récit contribue à faire éclater “la vérité sur des crimes politiques ou symboliques qui ont faussé les repères de notre mémoire, fragilisé notre conscience nationale et, de ce fait, hypothéqué le devenir de notre peuple”. Par ailleurs, une cérémonie de recueillement au carré des Martyrs du cimetière de Tassaft aura lieu ce matin, et sera suivie de prises de parole, avons-nous appris auprès du comité d'organisation.