Contrairement aux Algériens, le nul sonne comme une défaite pour les Anglais. Personne, y compris leurs experts les plus avertis, n'a prévu un score aussi affligeant. Avant le match, ils étaient sûrs de remporter la partie par trois buts d'écart et d'écraser les “petits” Fennecs. Selon Cloe Arnold du Guardian, Fabio Capello doit sans doute copier Saâdane et montrer à ses joueurs un film de guerre qui raffermira leur détermination en perspective du match de la dernière chance mercredi prochain, face à la Slovénie, première équipe surprise du groupe C. La journaliste propose une saga épique du même calibre que la Bataille d'Alger, genre La Grande Evasion. Dans cette production hollywoodienne, des soldats britanniques et alliés organisent leur fuite d'un camp de prisonniers allemands, à la mi-temps d'une partie de foot, en s'échappant des vestiaires. À l'état où en sont les choses, les soldats de Capello doivent sérieusement réfléchir à une bonne tactique qui les sortira du guêpier, dans lequel ils se trouvent depuis le début du Mondial sud-africain. Personne n'a prévu leur déroute face aux “petits” guerriers du désert. Experts, anciennes vedettes de football, supporters, même William et Harry, les deux princes royaux, ont prédit une large victoire de leur onze national. “Les Anglais feraient mieux de quitter le tournoi s'ils ne gagnent pas contre cette équipe”, affirmait Alan Shearer, ancien attaquant de l'équipe de la Rose, il y a quelques jours. À l'opposé de Rummenigge, il y a vingt-huit ans, le joueur de Manchester United Wayne Rooney s'est abstenu d'offrir à l'avance un septième but à sa femme. Mais, il a néanmoins péché par un excès de confiance en affirmant, à la veille du match contre l'Algérie, qu'il n'avait pas besoin de motivation pour la battre. Hier matin, The Sun publiait sa photo à la une avec un titre sanglant. “Il n'est pas étonnant que les fans vous aient hué”, a pesté le tabloïd. Rooney était particulièrement ciblé pour avoir dénoncé à sa sortie du gazon, et face aux caméras, le chahut des spectateurs mécontents. Après la suffisance, la déception des commentateurs TV Les envoyés spéciaux des télévisions britanniques ont tendu leurs micros à plusieurs d'entre eux. Les plus remontés ont affirmé avoir fait tout le chemin jusqu'au pays de Mandela et rogné leurs économies pour voir leur équipe se faire ridiculiser sur le terrain. Encore sous le choc, d'autres supporters n'arrivent toujours pas à croire que des Algériens méconnus ont tenu en échec leurs stars du ballon rond. Dans les médias, la suffisance des reporters et des commentateurs a laissé place à une profonde déception. Incapable d'admettre la supériorité de l'adversaire, The Sun ne comprend pas comment les coéquipiers de Steven Gerrard se sont effondrés face à “des minus”. Pour l'Angleterre, le nul de vendredi soir sonne comme une défaite. Jambes en coton, passivité, manque de cohésion, de combativité et d'initiatives en l'espace d'un match, les Trois Lions se sont mués en chats inoffensifs. Au coup de sifflet final, ils sont devenus des cibles à abattre. “Les ratés de Capello ne méritent pas de porter le maillot”, a titré le Daily Mirror. Selon lui, la sortie de vendredi constitue la plus mauvaise performance footballistique dans l'histoire récente du pays. “S'ils jouent comme ça contre la Slovénie, ils seront certainement éliminés”, met en garde le journal gratuit Metro. Le Telegraph s'est amusé à répertorier le “top ten” des leçons de la rencontre face à l'Algérie. L'ombre de John Lennon D'après Steve Angelsey, auteur du palmarès, l'événement qui marquera encore les Anglais dans les prochaines années n'est pas le tournoi sud-africain, mais la commémoration de l'assassinat de John Lennon, star des Beatles, car pour le Mondial, leur équipe semble avoir déjà compromis ses chances de remporter le trophée. Critiquant la prestation des joueurs, le journaliste a appuyé les critiques de l'Allemand Franz Beckenbauer, en affirmant que les poulains de Capello étaient dépourvus de technique et se contentaient de taper mollement dans le ballon. “Il y avait même un pigeon sur la barre des bois algériens. Il se sentait certainement en sécurité dans cet endroit”, a encore ironisé Steve Angelsey, faisant allusion à la frilosité offensive des Three Lions. Leur entraîneur a polarisé les pires attaques. De Capello, le fabuleux (the fabulus), il est devenu un personnage presque honni. Du jour au lendemain, on lui a inventé le surnom de Don comme les parrains de la maffia italienne. Les médias lui reprochent sa gestion militaire et inféconde de l'équipe. Après le nul contre les Etats-Unis à l'ouverture de la compétition le 10 juin, certains se demandaient déjà si la Fédération nationale de football (FA) allait continuer à lui faire confiance. Son salaire d'entraîneur le mieux payé dans le monde est aujourd'hui remis en cause. Pour les journalistes, Capello donne l'impression de ne pas savoir exactement ce qu'il faut faire pour permettre à son équipe de marquer des buts. Il a aggravé son cas en hésitant, vendredi soir, de cerner les raisons qui paralysent ses capés et les empêchent d'avoir un meilleur rendement. Face aux Verts, ils avaient l'air de géants aux pieds d'argile. “En tout cas, pour le moment, les Algériens jouent beaucoup mieux”, a dû reconnaître le commentateur de la chaîne de télévision ITV durant la partie. Après le match, un reporter qui faisait la tournée des pubs, pour recueillir les impressions des supporters, a affirmé que la fête se déroulait plutôt chez les fans algériens. Des TV britanniques et arabes ont capté la joie de nos compatriotes, à l'issue du match. Comme en novembre dernier, lors de la qualification de l'EN au Mondial, certains n'ont pas hésité à aller festoyer à Trafalgar Square, sous le nez des Anglais atterrés. Dans trois jours, les équipes du groupe C joueront leur dernier match de qualification pour les huitièmes de finale. Pour le moment, personne ne sait qui passera ce cap. Même pas les Anglais. Leurs supporters ne veulent plus faire de commentaires. Les superstitieux espèrent qu'un pigeon ne viendra pas se poser sur le filet des Slovènes.