Dans notre pays, la pratique politique tient plus de la gymnastique que de la conviction. L'autorité du régime actuel a aggravé jusqu'à la caricature ce trait de culture. Dans ce sport pratiqué au sommet de l'Etat, la palme revient certainement à Belkhadem. Il était le moins indiqué pour proclamer qu'il n'y a pas de “crise” entre l'Algérie et la France, mais c'est lui qui l'a fait. Aussitôt Claude Guéant reçu par le Président, le chef du FLN a procédé aux réglages de son siège pour l'adapter à la position du jour. En novembre 2007, au début de la crise qui, finalement, n'existe pas, déclarait qu'“il ne peut y avoir de réconciliation tant que le bourreau n'a pas demandé pardon à la victime. C'est la position du FLN”. Enfourchant le cheval du repentir, son parti s'est fait, de surenchère en surenchère, le champion de la cause de repentance coloniale. Jusqu'à ce projet de loi criminalisant le colonialisme qui s'est perdu dans les placards de l'Exécutif. Bien sûr, l'usage populiste local n'a pas échappé au gouvernement français qui semble au fait du processus de décision nationale. C'est donc Bernard Kouchner qui nous fit observer que “l'Exécutif algérien n'a aucunement pris position sur la proposition de loi formulée par le député FLN, et son inscription à l'ordre du jour n'est donc pas certaine, car c'est le gouvernement algérien qui en a la maîtrise exclusive”. Il nous renvoyait ainsi à notre réalité, celle de l'exclusivité décisionnelle de l'Exécutif. Il n'y a qu'en démocratie, en effet, que les élus ont quelque influence sur… la production législative. Même parrainé par cent vingt-cinq députés, le projet n'était pas de nature à faire réagir le pays concerné. On ignore le message transmis à Bouteflika par le secrétaire général de la Présidence française et la réponse du chef de l'Etat, mais on sait, grâce à Belkhadem, que l'heure est à calmer le jeu. Quitte à ce que les irréductibles de la repentance d'hier s'exercent aujourd'hui aux contorsions les plus impossibles. Comme cet étrange parallèle que Belkhadem établit entre le projet de loi sur la criminalisation du colonialisme et le code de la famille. “Il y a des textes de loi qui nécessitent beaucoup de temps. Le code de la famille est resté dix-sept ans avant qu'il soit adopté”, dit-il, dans une sorte d'hommage à nos femmes que seuls les adeptes de l'intégrisme accompli peuvent leur adresser. Ici, c'est le moment de lui rappeler son insistance quant à l'inéluctabilité de la loi. Et il n'était pas question d'un délai de dix-sept ans quand, en février dernier, il assurait que “la proposition de loi formulée par notre élu, et soutenue par plusieurs autres formations, suivra son cours comme toutes les propositions formulées de par le passé” et qu'“elle atterrira une fois acceptée par le bureau de l'APN sur la table de l'Exécutif, et ce, avant son adoption par le Parlement”. Une diplomatie erratique, à l'image de la politique globale du pays, tend à transformer la scène politique nationale en théâtre où chacun, faute de texte, s'efforce de reproduire la position improvisée qu'on lui souffle. M. H. [email protected]