Les jeunes oiseleurs procèdent, dès qu'ils débarquent sur les lieux ciblés, à enduire abondamment de colle les cimes des arbres et les brins d'herbes croissant à proximité des points d'eau. La sinistre œuvre des braconniers est venue à bout d'une espèce d'oiseaux entière à Mila. Les chardonnerets, ces jolis petits pessereaux bariolés, ont pratiquement disparu du paysage. Très communs, il n'y a pas longtemps, près des points d'eau, dans les vergers et les champs, les chardonnerets (maknine, tchnitchène, selon les régions) ne sont plus visibles que dans les... cages ! Des braconniers, de jeunes adolescents pour la plupart, se sont tristement spécialisés, ces dernières années, dans la capture et la vente de ces beaux oiseaux qui peuplaient les régions montagneuses du nord de la wilaya, riches en eau et en espaces boisés. Pendant des années, les inconscients chasseurs traquent cette espèce pour en faire une banale marchandise sur les principales places commerciales à Mila et à Ferdjioua notamment, utilisant des procédés machiavéliques dans la capture des élégants volatiles, dont la seule vue, pas dans des cages métalliques, mais dans leur milieu naturel, sur les cime des arbres, près des points d'eau champêtres et sur les chardons, suffit pour procurer d'indescriptibles sensations d'étonnement et de plaisir. Machiavéliques, en effet, sont les procédés des braconniers et inconscients sont ceux-ci ! Infestant pratiquement tous les endroits fréquentés par les chardonnerets, depuis Sidi Khnanou, au nord-est de Mila, jusqu'à Ferdjioua, en passant par toutes les régions du nord et du nord-ouest de la wilaya, c'est la même sinistre technique utilisée dans la chasse : la colle aux rats. Armés de tubes de colle, les jeunes oiseleurs procèdent, dès qu'ils débarquent sur les lieux ciblés, à enduire abondamment de colle les cimes des arbres et les brins d'herbes croissant à proximité des points d'eau ; puis ils s'éloignent un peu pour surveiller leurs pièges. Et dès qu'un oiseau est pris, ils se ruent vers lui, dans une course sauvage, en poussant des cris de hordes excitées. En un tour de main, le volatile est enfermé dans la cage. Une heure ou deux après, on le retrouvera exposé au soleil, sur la place du marché où il sera cédé entre 2 000 et 4 000, voire 5000 DA, selon le sexe ! Cette situation qui dure depuis des années a fini par faire son sinistre œuvre sur cette espèce fragile de nature, car sa reproduction est très faible, la femelle ne pondant en effet que 4 à 6 œufs. Conséquence de cette déplorable activité : les “sticlitt et didelitt”, onomatopées désignant le gazouillis du petit passereau multicolore, ont complètement disparu de nombreuses régions du nord de Mila, dont celle de Sidi Merouane, située sur les berges du barrage de Beni Haroune, réputée jadis pour être la contrée où les chardonnerets se rencontraient le plus. Aussi, des associations vouées à la protection de l'environnement à Mila plaident pour le repeuplement des régions affectées par cette chasse, appelant les services des forêts à envisager des lâchers de chardonnerets dans les contrées dépeuplées pour rétablir l'équilibre écologique dans ces régions.