Le chardonneret est prisé pour son plumage multicolore et son chant agréable. Son élevage a de tout temps fait partie des mœurs citadines des Algériens. On en trouve pratiquement dans toutes les villes. Il est appelé « maknine »à Alger, « boumziène » à Annaba et abrégé en « chardon » à Souk Ahras, ville réputée pour la qualité hautement appréciée de ces oiseaux et évidemment ses oiseleurs. Au marché hebdomadaire, des centaines de personnes débarquent des quatre coins du pays pour négocier l'achat d'un ou de plusieurs chardonnerets à la fois. On y voit des connaisseurs en la matière qui viennent monter leur petite affaire. Des profanes et de simples acquéreurs qui se perdent en négoce au milieu d'une foule compacte où se mêlent, dans un enchevêtrement d'objets hétéroclites, les étals réservés aux accessoires d'élevage, cages d'oiseaux et autres instruments et outillages utiles pour l'éleveur. Pour 3 000 DA, le client peut s'offrir le plaisir d'écouter un son autre que celui du ronronnement des machines ou des vrombissements des moteurs des véhicules. Mais pour se permettre une rareté, l'acquéreur doit débourser entre 4 000 et 6 000 DA. C'est le prix d' « El-Hekkani », un chardonneret racé, d'un âge moyen et dressé par un maître. Une aubaine pour bon nombre de jeunes qui s'adonnent occasionnellement à cette activité pour les besoins de la rentrée scolaire ou pour se permettre un pécule sans recourir aux parents. Certains en font, par contre, un véritable gagne-pain. « Je ne peux subvenir aux besoins de la famille que grâce à ce commerce fort lucratif. J'ai beau chercher un travail, ce n'est pas évident », nous a confié un oiseleur. Son ami, un quinquagénaire, dans la force de l'âge, a transformé la passion en activité pécuniaire. Il explique ainsi cette conversion : « Féru de chardonnerets depuis ma tendre enfance, j'élevais un à deux couples sans jamais penser à en faire commerce. Hélas, les temps se font durs et mes 18 000 DA de retraite ne peuvent couvrir les dépenses des neuf personnes à ma charge. La vente de deux, jusqu'à trois chardonnerets chaque semaine épargne ma famille de la disette, el-hamdou lillah ». Des citoyens de Lakhdara, Sidi-Badr, Aïn Seynour, Zaârouria et autres régions où prolifère l'oiseau fanion de Souk Ahras, n'ont pas manqué de tirer la sonnette d'alarme quant aux risques de disparition de cette espèce d'oiseaux par l'effet d'une chasse qui ne connaît ni normes ni limites. Le nombre de chardonnerets (naguère omniprésents dans les régions de la wilaya) est aujourd'hui limité à des zones éparses qui se comptent sur les doigts d'un manchot. Son extinction est déjà visible à Mechroha et Ouled Driss.