L'événement remonterait au moins à trois siècles et a eu lieu sur les montagnes des Babors, dont le nom d'origine est Tiggoura, dressées sur le versant nord dominant la région de Béjaïa. Des cavaliers appartenant à une tribu font le tour de leur région à cheval. Au moment de traverser le terrible torrent de Boussellam, périlleux affluent connu très meurtrier, ils furent surpris par le déluge d'une avalanche d'eau d'une force incroyable. Les cavaliers qui se débattaient perdent leurs chevaux violemment emportés par les eaux. Quelques-uns auront la tête fracassée contre de gros rochers. Afin de constituer une masse de poids, les cavaliers réussirent de se rassembler en s'accrochant les uns aux autres pendant que le torrent Boussellam redouble de férocité. En désespoir de cause, à bout de force et abattus, les cavaliers lancèrent des appels au secours. Non loin de là, un groupe de femmes aux longues tresses est affairé à la cueillette et au ramassage des olives. En ce temps, en Kabylie, avoir les plus longues tresses était aussi symbole de beauté chez la femme qui ne se couvrait pas la tête. La tradition l'emportait sur tout avenant de la vie. C'est alors que les femmes accoururent et s'ouvrait devant elle une scène d'horreur. En effet, les cavaliers n'en pouvaient plus. Ils avaient de larges plaies ouvertes qui ensanglantaient leur tête et leur visage. Leurs doigts étaient tout écorchés en tentant de s'agripper vainement aux rochers. L'eau rosissait sous l'effet de l'écoulement du sang. Les femmes se sont mises alors à couper leurs tresses dont elles font un cordage qu'elles lancèrent aux hommes. C'est ainsi qu'ils furent délivrés d'une mort certaine. Depuis, en Kabylie, les cheveux de la femme sont sublimés. On leur voue encore aujourd'hui un respect mêlé d'admiration. Afin de les protéger du terrible froid et des cassures dues au gel des rudes hivers des montagnes, mais aussi pour les protéger contre les ardents et brûlants rayons du soleil d'été, la femme kabyle porte le foulard. C'est une sorte d'écharpe brodée aux rebords de laquelle tombent de splendides pendules aux couleurs magnifiques. Le foulard est admirablement porté avec un nœud original placé sur le côté, un pan jeté en arrière le long des tresses sauveuses et magiques. Seule la partie des cheveux est couverte laissant apparaître un bout d'une jolie raie au milieu. C'est sur ce seul événement qu'est apparu l'usage du formidable foulard kabyle, hélas de moins en moins en usage. A. A. ([email protected])