Les membres du premier gouvernement irakien de l'après-Saddam Hussein ont prêté serment hier, alors que les Etats-Unis ont annoncé leur intention de soumettre au Conseil de sécurité une nouvelle résolution qui élargirait le mandat de l'Onu en Irak. Les ministres — 13 chiites, 5 Arabes sunnites, 5 Kurdes, un chrétien et un Turcoman — ont été désignés lundi par le Conseil de gouvernement transitoire irakien mis sur pied par les Etats-Unis en juillet. Ils devront rendre compte au Conseil de gouvernement et seront assistés de conseillers choisis par la coalition militaire dirigée par les Etats-Unis. Cela a suscité des doutes sur leur marge de manœuvre même si l'administrateur civil américain Paul Bremer, qui garde la haute main sur l'Irak, a déclaré que les Américains leur transféreraient progressivement l'autorité. Mardi, le département d'Etat a estimé que la nomination du nouveau cabinet traduisait les “progrès” faits dans la remise sur pied du pays. “Nous continuons de faire des progrès en termes de gestion des ministères, de vente de pétrole, de préparation des budgets”, malgré le climat d'insécurité qui s'est traduit par les attentats en août contre l'ambassade de Jordanie (14 morts), le QG de l'Onu à Bagdad (22 morts) et à Najaf (83 morts), et le 2 septembre par l'explosion d'une voiture piégée devant le centre de la police à Bagdad (1 mort), a dit le porte-parole du département d'Etat, Richard Boucher. À Washington également, un haut responsable américain a indiqué que le président George W. Bush avait signé un projet de résolution à soumettre au Conseil de sécurité de l'Onu sur un élargissement du mandat de l'Onu en Irak. Ce texte, destiné à faciliter la participation d'autres pays à la force de stabilisation, sera prochainement présenté aux autres membres du Conseil, a souligné ce responsable sous le couvert de l'anonymat. À Paris, le ministre des Affaires étrangères jordanien, Marwan Moasher, a affirmé que son pays n'enverrait pas de troupes sous commandement américain en Irak. Selon un rapport du Congrès américain, les Etats-Unis ne pourront maintenir leur force d'occupation en Irak que s'ils décident d'accroître les effectifs de l'armée, de mettre un terme à d'autres engagements à l'étranger ou de supprimer les règles de rotation des troupes. L'Office du budget du Congrès (CBO) a averti que faute de cela, l'armée serait “incapable de maintenir” son contingent “au-delà de mars 2004 environ”. Plus de 180 000 soldats américains sont actuellement déployés en Irak et dans les pays du Golfe dans le cadre de l'opération “Liberté de l'Irak”, selon des responsables du Congrès, mais ils devront commencer à se retirer au printemps prochain et l'armée manque d'effectifs pour les remplacer dans leur totalité. De son côté, la commission de l'Onu chargée du désarmement de l'Irak (Cocovinu), dont les experts avaient quitté le pays deux jours avant le début de la guerre le 20 mars, a indiqué être capable de reprendre ses inspections “quasiment sans préavis”, malgré la destruction de ses locaux à Bagdad lors de l'attentat du 19 août contre le QG de l'Onu. Depuis la fin des hostilités, les Etats-Unis ont souligné qu'ils ne voyaient pas la nécessité que la Cocovinu revienne en Irak, leurs propres équipes ayant pris en main la recherche, vaine jusqu'à présent, des armements de destruction massive interdits et que le régime de Saddam Hussein était accusé de posséder. Mais la France a récemment évoqué devant le Conseil de sécurité l'intérêt qu'il y aurait à ce que la Cocovinu reprenne ses investigations alors que l'Irak, selon les responsables américains, est devenu une zone d'opération pour les terroristes du monde entier. Cette suggestion a été accueillie positivement par la Grande-Bretagne. Après l'attentat de mardi contre la police de Bagdad, M. Bremer, a promis une expansion rapide des forces de la police pour contrer “la menace terroriste”. Le secrétaire d'Etat adjoint américain Richard Armitage envisage de se rendre au Proche-Orient du 11 au 16 septembre, avec une possible étape à Bagdad, selon des responsables du département d'Etat. Enfin, alors que près de 500 000 personnes participaient à l'enterrement mardi du dignitaire chiite Mohammad Baqer Hakim, tué dans l'attentat de Najaf, le pape Jean Paul II a envoyé un message de condoléances en Irak, dénonçant “toute forme de violence”.