“Souvent les savants de la religion terminent leurs discours avec : ‘Et seul Dieu sait. Wa Allaho a'allam'.” Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire tout simplement que lorsque l'objet de la connaissance est le divin, son savoir, sa volonté et ses jugements, l'être humain n'est jamais sûr de sa connaissance et cela quoi qu'il fasse. Parce que le monde infini de Dieu et de son savoir dépasse la capacité de l'imagination humaine qui ne peut le contenir. Tout ce que l'humain peut faire, c'est aller vers le divin, son monde, son savoir, sans jamais garantir qu'il les a atteints. Selon les savants de l'Islam, les versets qui réglementent la succession sont clairs, explicites et ne prêtent à aucune confusion. Par conséquent, il est du devoir des musulmans de les appliquer à la lettre. Si l'on considère qu'il s'agit d'une règle, elle doit s'appliquer également à tous les versets de même nature. Pourtant, d'autres versets clairs et explicites ne sont pas appliqués sans que cela gêne la conscience des musulmans car ils les considèrent dépassés. Ainsi, le verset 38 de la sourate la Table, qui ordonne de couper la main du voleur et de la voleuse, est clair et explicite. Il est également renforcé par des hadiths du Prophète (sssl) comme celui où il dit : “La main (du voleur) sera coupée, s'il s'agit d'un dinar ou au-dessus”. 1. Cependant, il n'est pas appliqué. Cette punition a été annulée par Omar ibn El-Khatab quand les facteurs sociaux ne permettaient plus son application. Omar a également annulé la part de l'aumône destinée aux non-musulmans bien qu'elle ait été décrétée par un verset coranique explicite (le verset 60 de la sourate le Repentir). Cette part était justifiée par le besoin des premiers musulmans d'éviter de les avoir comme ennemis. Quand la situation sociale et militaire des musulmans eût changé et que le besoin de l'appui de ces gens-là ne fût plus nécessaire, Omar jugea qu'il n' y avait plus de raison de leur faire l'aumône et c'est ainsi qu'il annula cette loi coranique. Pour Omar, les lois sont justifiées par les circonstances sociales mais, si ces circonstances sociales changent, les lois doivent évoluer. D'ailleurs, tous les savants musulmans approuvent cette philosophie d'Omar et la citent comme exemple pour justifier l'annulation des lois relatives à l'esclavage admis par le Coran. Selon Mohamed Qotb : “Il faut comprendre les réalités sociales, psychologiques et politiques qui ont entouré le sujet des esclaves et qui ont fait que l'Islam ait posé les principes qui permettent l'abolition des esclaves puis a laissé ces principes faire leur travail à travers le temps.” 2. Ce qui nous renvoie à une question : pourquoi ne pas regarder la loi du partage successoral et d'autres lois avec cette même philosophie après que les circonstances socioéconomiques des musulmans aient changé ? Si l'annulation de la punition du vol a été décidée dans un souci de justice sociale, pourquoi ce même souci n'est-il plus ressenti quand il s'agit de reconnaître l'effort que la femme fournit dans le travail pour subvenir aux besoins de sa famille ? Pourquoi Omar annule-t-il une loi coranique pour alléger la condition difficile des pauvres et fermons-nous les yeux sur le phénomène de la pauvreté qui touche de plus en plus les femmes et; par conséquent; leurs enfants? Pour les savants, si le Coran reconnaît l'esclavage et ne l'a pas aboli ouvertement, beaucoup de versets condamnent l'asservissement des êtres humains et beaucoup de signes dans le Coran dénoncent la pratique de l'esclavage et annoncent son abolition. Une explication fort intéressante qui amène à se demander pourquoi ne pas l'appliquer pour amender le droit successoral ? Si Dieu a vu qu'il était important de prendre en compte les conditions sociales et morales quand il a fixé les règles de l'esclavage et s'il a donné aux humains le droit et le devoir d'évoluer vers une réalisation des principes de l'Islam : la justice et l'égalité, pourquoi n'aurait-il pas fait la même chose pour les règles relatives à la condition de la femme ? Dieu aurait-il appliqué une philosophie pour certaines lois et une autre philosophie pour d'autres lois ? N'y a-t-il pas dans le Coran, comme pour l'esclavage, des signes qui permettent aux musulmans d'abolir les inégalités du partage successoral et d'évoluer avec le temps sans remords ? Dans le verset 11 de la sourate “les Femmes” ,Dieu dit : “De vos ascendants et de vos descendants, vous ne savez pas qui est plus près de vous en utilité.” Cela donne beaucoup à réfléchir. “Vos ascendants et vos descendants sont ceux à qui les parts de l'héritage sont attribuées”, selon el Tabari, autrement dit les hommes et les femmes. Selon ce verset, Dieu nous dit qu'il est impossible de savoir qui, entre ces héritiers, sera plus utile pour les siens (matériellement, car il s'agit d'un partage de biens matériels). Ce message n'est-il pas une preuve de l'erreur de la justification de la non-responsabilité financière de la femme, nous permettant ainsi d'évoluer vers un partage égal de la succession ? Sans doute les principes de l'Islam, la justice et l'égalité, sont-ils déjà des signes suffisants car il y a pas plus injuste que de nier les efforts des gens et l'Islam déteste l'injustice. (*) philosophe et écrivaine 1. Raconté par Aïcha (qaa) et rapporté par Al-Boukari. 2. Mohamed Qotb, controverse contre l'Islam (p. 47)