La khalwa évoque bien sûr la situation de solitude du Prophète Mohamed dans la grotte du mont Hira où il reçut l'archange Gabriel. Sidi M'hamed était entré en khalwa. Après une trentaine d'années, il revint dans sa Kabylie natale pour créer la première khalwatiya du Maghreb. De toutes les tarîqat qui ont réussi leur pénétration en Afrique du Nord, la tarîqa khalwatiya, qui deviendra par la suite la Rahmaniya, sera la seule à s'implanter durablement et réellement en Kabylie, jusqu'à nos jours, malgré une longue durée de sévères répressions en raison de sa participation à la résistance à la conquête coloniale. Sidi M'hamed rejoint bientôt Alger où il fonde sa zaouïa dans le quartier d'El-Hamma, dont l'audience fait progressivement le tour du pays et dépasse les frontières, devenant un centre de savoir dans de multiples disciplines et un lieu privilégié pour les pauvres et les orphelins. Ses disciples les plus connus : cheikh Mohamed Ameziane Aheddad, dit cheikh El-Haddad, chef spirituel des révoltes d'El-Mokrani, cheikh Ahmed Tidjani, qui fondera plus tard la Tidjania. Des dizaines d'années après, apparaît sous les ordres de l'Emir Abdelkader un intrépide guerrier et brillant savant, cheikh Mohamed El-Kacimi, originaire du village d'El-Hamel, près de Boussaâda. Sur les conseils de l'Emir, cheikh El-Kacimi alla enseigner par la suite. Durant cette période, alors qu'il se trouvait plus au Sud à Tolga, à quelques kilomètres de Biskra, il fut initié par le cheikh de la zaouïa à la Khalwatiya. Il finit par retourner à El-Hamel où il créa une zaouïa en y faisant entrer tous les adeptes de la Rahmaniyya, et qui deviendra l'une des plus importantes arrière-bases de l'Emir Abdelkader. Cheikh El-Haddad lui-même recommanda à ses fils de rallier cette zaouïa et cheikh El-Kacimi qu'il surnommait “el-kebrit el-ahmar” (le soufre rouge). À sa mort, vers 1880, c'est sa fille, lalla Zineb, qui prit la direction de la zaouïa d'El Hamel. Lalla Zeïneb, dont Isabelle Eberhardt, un personnage quasiment légendaire, convertie à l'Islam, adepte du soufisme et l'une des icônes de la littérature de voyage dans le monde, s'était demandée comment une femme pouvait diriger une tribu puissante, qui comptait des milliers de chevaliers et de guerriers. “Lalla Zeïneb est cette personnalité de femme, jouant un grand rôle religieux, peut-être unique dans l'Occident musulman…”, écrivait Isabelle Eberhardt dans ses notes de route (1908). De fait, on dit que lalla Zeïneb se présentait toujours sans le voile porté par les femmes du Sud. “Habillée en robe blanche et suffisamment ample, la tête ceinte du cheich, turban propre aux hommes, elle recevait, traitait ou négociait avec les touristes de passage, ses fidèles et les personnalités des tribus ou tout autre personne et leur accordait la baraka tout en égrenant son chapelet avec sérénité”, rapporte-t-on. La zaouïa d'El-Hamel est devenue au fil du temps l'une des plus importantes zaouïas d'Algérie, sinon la deuxième de la tarîqa Rahmaniyya après celle de Sidi M'hamed à Alger, et son cheikh actuel jouit d'un prestige énorme, descendant de cheikh Mohamed El-Kacimi et occupant une place de choix au Conseil supérieur islamique. (À suivre : La Hebriyya : cheikh Belkaïd à l'avant-garde, le savoir-faire en plus)