Le bureau de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme à Béjaïa sera présent au procès en guise de soutien aux accusés. Le procès des non-jeûneurs et du propriétaire du restaurant, arrêtés mardi dernier à Ouzellaguène par la police, s'ouvre aujourd'hui au tribunal d'Akbou. Tout a commencé mardi dernier lorsque les éléments de la sûreté de daïra d'Ouzellaguène ont effectué une descente dans un fast-food sis au 2e étage d'un immeuble commercial à côté du marché jouxtant la RN26 de la même ville. Une descente policière, soldée par l'interpellation de 10 personnes, dont le propriétaire du restaurant, et ce, pour ne pas avoir observé le jeûne. “Pris en flagrant délit”, les mis en cause ont été présentés devant le juge d'instruction près le tribunal d'Akbou. L'affaire est qualifiée de “dénigrement et non-respect des préceptes de l'islam”. Ainsi, le juge a ordonné la mise sous mandat de dépôt du restaurateur, citation directe pour 7 personnes et 2 autres comme témoins à charge en vertu de l'article 144 bis du code pénal. “Juridiquement, l'article 144 bis du code pénal est flou et, en outre, il n'a aucun sens par rapport a la Constitution : Loi fondamentale du pays, qui garantit la liberté de conscience”, nous a déclaré en substance Me Benkadoum, avocat du restaurateur placé en détention, qui signale qu'un lieu de culte chrétien se trouve à 200 m du restaurant où les non-jeûneurs ont été arrêtés. “Dans ce cas, la police doit-elle faire une rafle dans ce lieu de culte pendant la messe des fidèles ?”, s'est interrogé Me Benkadoum comme pour battre en brèche la qualification du délit dont ils sont poursuivis les accusés. Ainsi, cet avocat estime sans ambages que, dans cette affaire, il y a une influence des islamistes. De son côté, le responsable du bureau de la Ligue pour la défense des droits de l'Homme à Béjaïa, Saïd Salhi, joint par téléphone, s'est déclaré outré par cette inquisition policière qu'il condamne avec force. “Le recours systématique et abusif à la répression sous prétexte d'atteinte aux préceptes de l'islam est une violation caractérisée de la liberté de culte et des libertés individuelles consacrées pourtant par la Constitution”, a déclaré M. Saïd Salhi, qui n'a pas manqué de lancer un appel pressant “à l'opinion publique à se mobiliser pour la tolérance et le respect de la différence, valeurs cardinales d'un Etat de droit”. Le bureau de la ligue, signale-t-il, sera présent au procès d'aujourd'hui des non-jeûneurs pour leur apporter du soutien. En matière d'inquisition, il y a lieu de signaler que ce n'est pas une première dans les annales de la wilaya de Béjaïa. L'on se rappelle qu'on 2005, une affaire similaire s'est produite à Béjaïa ville où 6 personnes avaient été arrêtées dans un restaurant situé au parc d'attractions de la ville de Béjaïa dans des conditions identiques à celles d'Ouzellaguène. Les six mis en cause avaient été condamnés à des peines de prison ferme allant de 2 à 6 mois avant qu'ils ne soient relaxés sous la pression de la solidarité citoyenne. À souligner que cette affaire des non-jeûneurs d'Ouzellaguène est intervenue au moment où la solidarité s'organise activement autour des deux non-jeûneurs arrêtés à Aïn El-Hammam, wilaya de Tizi Ouzou, en début de ce mois de Ramadhan. C'est dire que les inquisiteurs du pouvoir sont déterminés dans leur stratégie de mise au pas de la société.