J'aimerais, quand je lis les textes sacrés du Coran, pouvoir séparer ma langue de ma pensée afin de lire les mots et les versets sans m'occuper ni m'inquiéter du sens que je laisserais préciser à nos savants exégètes, “ceux qui sont enracinés dans la connaissance”. J'aimerais obéir ainsi à ceux qui disent que seuls les savants ont le droit de commenter les textes. Ce que je n'ai jamais réussi à faire car je n'ai jamais pu m'empêcher d'utiliser le degré d'intelligence et la pensée dont Dieu m'a fait don pour chercher le sens des versets et essayer de comprendre le Livre le plus important et le plus significatif dans notre vie. Comme si ma pensée me désobéissait et comme si ce travail de l'entendement se déclenchait en moi en dehors de ma volonté. Car le plaisir de lire la parole de Dieu et de se prosterner devant Lui ne se réalise qu'avec ce lien moral entre la pensée et les textes. J'aimerais pouvoir aussi me laisser guider vers le sens des textes sacrés expliqué dans les livres d'exégètes sans jamais me poser aucune question, ne jamais ressentir le moindre doute ni le moindre esprit critique. Ce que je n'ai jamais réussi aussi à faire car je n'ai jamais pu m'empêcher de penser que les savants, même s'ils savent plus que les autres, ne sont que des êtres humains. Ils ne peuvent être parfaits et leur savoir ne peut être absolu pour la simple raison que seul Dieu, le seul être absolu, est parfait. Aussi quand je me réfère aux livres des exégètes, je ne trouve pas souvent les réponses à mes questions comme s'ils ne les avaient pas posées ou en avaient posé d'autres que moi. Et je ne trouve pas non plus chez tous les exégètes les mêmes interprétations. Je voudrais revenir au verset 11 de la sourate les Femmes : “De vos ascendants ou de vos descendants, vous ne savez pas qui est plus près de vous en utilité” et le prendre comme exemple. Ce verset est la suite du verset 11 de la sourate les Femmes où la part de l'héritage de la femme a été définie à la moitié de celle d'un homme. Pour les femmes et les hommes contemporains soucieux du problème des inégalités successorales alors que la responsabilité financière de la femme envers les siens devient de plus en plus évidente et lourde pour elle, ce verset peut être une solution pour une égalité successorale entre les hommes et les femmes. Mais rien de ceci n'est mentionné chez les exégètes qui se sont plutôt demandé s'il s'agissait de l'utilité dans ce monde ici-bas ou dans l'au-delà. D'autres ne parlent que de l'utilité du père ou du fils sans aucun mot pour la mère et la fille. Il est clair qu'un commentateur qui n'a jamais eu dans son champ de perception l'image d'une femme assumant sa responsabilité financière envers sa famille ne peut pas se demander si ce verset ne parle pas également des femmes. R. A. (*) écrivaine et philosophe