Les témoignages des chroniqueurs au long des siècles attestent autant des raffinements de l'art culinaire d'El-Djazaïr que sa variété ou de l'abondance qui la caractérisait. Le docteur Thomas Shaw écrivait au XXVIIe siècle dans sa relation voyage dans la régence d'Alger : outre le bouilli et le rôti (plats qu'ils accommodent d'une manière fort délicate), les Turcs et les Maures mangent encore toutes sortes de ragoûts et de viandes fricassées. Chez les gens riches, on sert aussi un grand nombre de plats aux amandes, aux dattes à la confiture, aux laitages, au miel, ou à d'autres comestibles semblables… Et d'ajouter : j'ai vu servir dans leurs fêtes plus de deux cents plats, qui étaient apprêtés au moins de quarante manières différentes. Le témoignage est d'autant plus éloquent que l'auteur a connu les tables princières du Royaume-Uni et d'Europe. La carte des mets de la capitale est l'aboutissement d'un brassage culturel unique. Les bouleversements qu'a connus la pays depuis plus d'un siècle ont fait perdre un pan important de ce patrimoine. Mais il suffirait du génie créatif de quelques chefs pour les remettre au goût du jour. En attendant, passons à table... Chrabi au poulet, à l'agneau, au poisson, que suivent rechta, macaroune ber ettork, ch'titha, les m'hamer (doré en cocotte), mehchi (farci), m'bettane (enrobé d'une pâte à frire) ; ou plus élaborée sfiriyat edjej. Au chapitre des gallinacés, la gastronomie algéroise recèle par ailleurs quelques joyaux comme les pigeons aux petits pois, le canard au naanaa (menthe) ou la torta fourrée au blanc de volaille. L'agneau est accomodé en mets consistants, comme dans le m'touème el aaroussa, le m'derbel, la koucha, cles dolmas, l'ham lahlou, v chbeh essofra, poissons en chermoula… Nulle zerda ne saurait se passer du café accompagné d'une cohorte de gâteaux : fanid, makrout, aarayèche, qnidlette, tcharak, samsa, bakloua, baklaoua, m'hancha et d'autres encore, alliant le miel, l'amande, la cannelle, l'eau de rose ou de fleur d'oranger, pour le ravissement des palais...