Il suffit de rien pour que le sang coule. Tirs d'arme à feu, agressions et menaces à l'arme blanche, utilisation d'engins explosifs, harcèlement, intimidation, violence physique et psychologique ou encore sexuel : autant de moyens utilisés par les adolescents et même les adultes dans les actes de violence. Un phénomène alarmant qui prend de plus en plus de l'ampleur dans notre société et qui entraîne souvent de graves incidents. Cette violence sous toutes les formes empoisonnent la vie quotidienne des citoyens, collégiens ou lycéens. Une situation qualifiée de “très grave” par plusieurs intervenants qui témoignent dans le cadre de cette enquête. Plus qu'un phénomène, la violence apparaît aujourd'hui comme un problème social très grave exigeant une attention immédiate et une vraie politique de lutte tant au niveau de la famille, de l'école que du mouvement associatif. Si ce fléau a largement retenu l'attention des médias qui en font régulièrement leur “menu”, il ne fait l'objet d'aucun débat public ni de recherche. La violence et la peur de celle-ci sont des facteurs cruciaux qui minent la sécurité et le bien-être des citoyens. Un sentiment (sécurité) qui est essentiel au bien-être physique, intellectuel, affectif, économique et spirituel à tout individu. “Les gens ont peur de n'être pas en sécurité même dans leur foyer, dans leur milieu professionnel ou environnemental. Nous vivons cette violence au quotidien. Le problème et qu'elle n'épargne aucune catégorie”, nous révélera, Hamid, chirurgien-dentiste. Un avis partagé par Amine, directeur commercial : “Aujourd'hui, la violence prend une multitude de formes. D'abord, verbale, ensuite agression physique. Il y a enfin la violence psychologique, qui s'exprime notamment par les menaces, l'intimidation et le harcèlement et qui provoque la peur, et dont la gravité est trop souvent minimisée, jusqu'à ce qu'elle dégénère en violence physique.” “Il est vrai que le phénomène s'aggrave. Il y a quelques années de cela, cette violence est restée longtemps cachée et ignorée et ne paraissait ni répandues ni graves. Mais aujourd'hui, elle est là, dans la rue, dans les bus, dans nos propres maisons et nos voitures. Nous ne savons plus quoi faire, ni a qui s'adresser. Vous savez, il y a des gens qui n'aiment pas déposer une plainte, parce qu'ils ont peur d'abord de la vengeance, ensuite, des démarches juridiques qui prennent beaucoup de temps. La personne agressée n'a que deux choix : se défendre, à ce moment, il risque sa peau, ou se laisser faire”, nous expliquera un gérant d'un restaurant. Et d'ajouter : “C'est la majorité de la population qui subit ces violences dont les séquelles sont durables et dévastatrices.” En effet, la totalité des personnes interrogée de différentes couches sociales affirment que non seulement on parle de la violence sous toutes ses formes, mais un fait nouveau a également vu le jour dans notre société : la violence exercée par les femmes. Elle n'est plus du domaine exclusif des jeunes ou des hommes. “Un jour, j'étais dans un bus assise à côté de mon fils de 15 ans et j'ai refusé de céder la place de ce dernier à une jeune femme. Elle a commencé à m'insulter d'abord, ensuite, j'ai reçue une gifle après lui avoir répondu. Je n'ai pas trouvé de solution que de descendre du bus de peur que la situation dégénère. Le malheur dans tout cela est que personne n'a intervenu !”, témoignera Mme Leila qui n'en revient toujours pas de cet incident. “Moi aussi j'ai vécu la même situation. C'est un homme qui en est la cause. J'étais en train de me balader avec mon compagnon à Alger quand j'ai entendu une voix de femme appeler mon ami. Il paraît que c'était une ancienne copine à lui. Cela à commencé par les mots, ensuite, les insultes à mon égard en m'accusant de lui avoir "volé" son homme. Quelques minutes après, elle saute sur moi, elle me tire des cheveux et me griffe le visage. Mon compagnon aura beau essayer de la calmer et de la raisonner, rien n'y fit. Elle m'a assené plusieurs coups à la tête, à la poitrine et aux jambes. Sincèrement, c'était un cauchemar et personne n'a voulu intervenir, au contraire, un monde fou était là en spectateur. Je pense qu'ils étaient choqués de voir une femme agresser une autre”, témoignera Kamelia, une jeune femme de 25 ans rencontrée au port d'El-Djamila à Aïn Benian. Selon une source sûre, “si dans des pays développés, il existe des centres de prévention du crime, il n'en est rien chez nous. En principe, tout le monde est concerné. Les dispositifs sécuritaires ne peuvent faire face seuls à ce fléau. Nous avons en face de nous quotidiennement des adolescents blessés à l'arme blanche et pour des raisons futiles. Mais le plus désolant c'est quand il s'agit des mineurs âgés entre 10 à 15 ans. Dans la violence, il n'y a pas que des victimes et des bourreaux, il y a aussi ceux qui la voient au quotidien, et qui ne bougent pas ! Quelque part c'est voulu”. Quelle en est la cause ? Les inégalités sociales en cause “Les principaux facteurs de toutes les formes de violence dans la société algérienne sont le chômage, la pauvreté, la hogra, les conflits familiaux et les inégalités sociales”, estime la majorité des jeunes interviewés. “S'il y a la violence, c'est parce qu'il n y a pas d'égalité dans cette société, pas d'activités, l'innocent devient victime et la victime devient coupable, c'est la loi du plus fort. C'est la politique de deux poids, deux mesures”, nous révélera Tarek une jeune de 20 ans. “J'ai été agressé à 13h au marché de Aïn Benian par un jeune qui a pris toute ma recette du jour. Ce dernier a agressé le même jour cinq autres personnes. Nous avons déposé une plainte, mais rien n'a été fait et l'agresseur circule le plus normalement du monde dans le marché sans aucune crainte.” “Il n'y a pas de mesures par les pouvoirs publics et c'est pour cela que les jeunes préfèrent se venger d'eux-mêmes”, enchaînera Mourad, plombier. Assis sur un banc, face à la mer, Yacine nous révélera que la ville d'Aïn Benian ne dispose que d'un seul stade destiné pour une certaine catégorie de jeunes. “Nous n'avons pas le droit d'y accéder. Il est fermé au grand public”, dira-t-il, révolté. Par ailleurs, les conditions précaires de la société ont également été évoquées par ces jeunes. “Ce sont des facteurs qui nous poussent à la violence”, nous dira Mohand. “Je suis contre la violence et qu'il faut savoir pardonner parce que ça finit souvent par un meurtre”, enchaînera Djebar. Devant, l'agression quotidienne et le sentiment d'être victime, la vengeance demeure la seule arme. “Je suis contre toute forme de violence, mais il faut bien se défendre dans une société où règne l'inégalité.” Reste l'avis de nombreux jeunes. De leur côté, les filles ont abordé la question de la violence surtout dans le milieu scolaire. “Un élève a blessé l'enseignante avec une chaise dans notre CEM et ce genre d'incident arrive tous les jours”, nous racontera Amel, une adolescente de 15 ans qui se dit choquée par le comportement des filles qui exerce la violence.