La loi de finances complémentaire au titre de l'année 2010 prise par ordonnance et adoptée par le Parlement a été publiée le 6 septembre 2010 au JORA. Elle vient compléter, affiner et réaffirmer une stratégie économique et sociale initiée plus précisément en 2008, et qui se veut en totale rupture avec les anciennes “démarches approximatives, voire laxistes” de la gestion des ressources publiques et de l'économie nationale en général, que beaucoup ont qualifiée d'ouverture débridée ou de libéralisme sauvage. Les plus radicaux ont évoqué l'idée “d'abondant de la souveraineté nationale” sur la décision économique. L'on se souvient des remous provoqués par les dispositions contenues dans la LFC 2009 jusqu'y compris au-delà de nos frontières. Cette nouvelle orientation de la politique économique n'a laissé insensibles ni le Medef français, ni certaines organisations proches du Parti républicain américain, ni encore moins le célèbre journal financier anglais The Financial Time, accusant l'Algérie de retour préjudiciable au dirigisme économique et d'ostracisme à l'égard du capital étranger. Certaines organisations patronales nationales, relayées par les milieux d'affaires et du capital spéculatif, n'ont pas été en reste de ce mouvement de levée de boucliers, parce que sentant leurs intérêts mis en péril. Le secteur productif privé national, quant à lui, tout en approuvant timidement certaines dispositions de la loi, demeure dans l'expectative et s'interroge sur le bien fondé de ces nouvelles mesures et de leurs conséquences sur leurs activités de production, bien que des mesures incitatives et d'encouragements sous diverses formes, soient décidés en leur faveur. Il faut dire que le recours systématique aux ordonnances, sans concertation préalable avec les principaux acteurs économiques et sans débats parlementaires, suscite des interrogations et confine à l'inquiétude. Un gap de communication Comme il faut avouer que nos dirigeants n'ont jamais su briller par une communication efficace qui les mette à l'abri des spéculations et qui, en même temps, permet de susciter l'adhésion des populations concernées aux mesures préconisées. Dans le même contexte, et c'est normal, de nombreux observateurs, analystes et spécialistes de l'économie algérienne, ont tenté de décrypter les dispositions introduites par ces lois et d'en relever les insuffisances pour les uns et les erreurs de stratégies pour les autres. Un tel intérêt politique et théorique s'est intensifié, dès lors où ces textes ont introduit, ou réactivé des instruments de contrôle et de lutte contre la corruption et la fraude fiscale. Par ailleurs, ce même intérêt peut s'expliquer par l'importance du volume des investissements — 250 milliards de dollars — consacrés au plan de développement 2010-2014 et des questionnements qu'il nourrit quant aux conditions de transparence dans la gestion et l'utilisation de la dépense publique. Un vision populiste du social ? Il ne pouvait être autrement, sachant que les multiples scandales politico-financiers autour de Sonatrach et des grands projets d'infrastructures de base, révélés par la presse nationale, ne pouvaient laisser indifférente l'opinion publique nationale et dans certains cas, internationale. Finalement, sommes-nous en présence d'une volonté politique des décideurs, qui tend à introduire des facteurs de cohérence, de continuité et de constance dans les pratiques économiques à l'effet de restaurer et de se réapproprier les leviers de la régulation économique afin d'enrayer les effets pervers générés par l'ouverture brutale du marché, ou d'un retour rampant au “tout-Etat” ? Il serait hasardeux de répondre par une simple formule à une problématique aussi complexe et dont les décantations au niveau de la sphère politique, logiquement, ne tarderont pas à voir le jour. La volonté, mainte fois réaffirmée par les plus hautes autorités du pays, d'instaurer et de développer un système libéral performant et compétitif qui permette à l'Algérie de relever les défis de la mondialisation, en dépit, pensent certains, du gel des réformes économiques structurelles initiées en 1989-90, préfigure des premiers éléments de réponse. En revanche, pour beaucoup d'analystes, la réponse peut être affirmative, dans la mesure où l'inflexibilité à l'égard de certaines dispositions telles que le Credoc, malgré son assouplissement, le maintien de l'annulation du crédit automobile, ou le “durcissement” des conditions d'exercice des sociétés étrangères dans notre pays, sont non seulement reconduites par la LFC2010, mais complétées et renforcées dans leur caractère de durabilité. En tout état de cause, et toujours concernant la nature des nouvelles mesures introduites par les dernières lois de finances, le caractère social du libéralisme préconisé par le pouvoir politique, transparaît clairement à travers la structure de l'allocation des ressources telles que fixées par ces textes, notamment dans leur volet social et du développement humain. À notre sens, il ne s'agit pas seulement, pour les pouvoirs publics, de répondre conjoncturellement à des revendications sociales à court terme pour “maintenir et préserver la paix sociale”, mais de la nature même du système politique algérien, foncièrement égalitariste pour des raisons historiques évidentes, même si cette démarche peut être assimilable, ou est, simplement assimilable, à une vision “populiste” de la gestion des grandes questions sociales qui agitent la scène politico-économique nationale. En fait, nous sommes au tout début des décantations politiques et économiques, sous la double pression du contexte international et de la montée des exigences sociales. Seul l'approfondissement de l'ouverture démocratique, aidera à opérer ces décantations dans la sérénité.