Depuis plusieurs années, la loi de finances complémentaire ou modificative est devenue la règle, alors qu'elle est généralement une exception. La loi de finances complémentaire ou modificative peut, en cours d'année, compléter ou modifier les dispositions de la loi de finances de l'année. Dès l'entrée en vigueur de la loi de finances au mois de janvier, on pense, déjà, à loi de finances complémentaire. Le constat qui en découle est que l'Etat, collectivité numéro un et hiérarchiquement la plus élevée, est géré de la même manière que les autres collectivités que sont les wilayas et les communes. Au niveau de ces dernières, les budgets sont adoptés en deux phases : le budget primitif en début d'année et le budget supplémentaire au cours du deuxième semestre de la même année. Il y a lieu de rappeler que même dans la gestion des collectivités locales, le budget supplémentaire ne revêt pas un caractère obligatoire. Mais alors pourquoi, au niveau de l'Etat, l'Exécutif a recours à ce procédé ? L'Exécutif a recours à ce procédé, certainement, pour faire passer par ordonnance — et la Constitution le lui permet — toutes les mesures qu'il juge nécessaires sans débat au Parlement (APN et Conseil de la nation). Cette position de l'Exécutif serait compréhensible si l'alliance partisane n'avait pas la majorité au sein du Parlement, lequel adopte les dispositions de la LFC dès l'ouverture de la session qui suit. L'autre raison de recourir à ce procédé nous pousse à croire que l'Exécutif ne maîtrise pas la situation prévisionnelle du pays, et pourtant l'adage dit “gouverner, c'est prévoir”. Si tel était le cas, il y aurait lieu, à notre avis, de revenir au système de planification que l'Algérie a enterré depuis longtemps. Il faudrait mettre en place tous les outils de planification, recréer, s'il le faut, le ministère du Plan pour asseoir dans de meilleures conditions une prospective de l'économie nationale avec un ancrage législatif et réglementaire adéquat. La création de ce ministère ne constituera nullement un retour vers l'économie socialiste ou dirigée. La planification est utilisée dans la plupart des pays, et ce n'est pas pour autant qu'ils sont socialistes. Ce ministère mettra en œuvre la nouvelle stratégie de développement de l'Algérie ; il lui reviendra de combler le déficit, très important, de communication de l'Exécutif en matière économique. C'est ce manque flagrant de communication qui fait la colère des partenaires sociaux, notamment les différentes organisations patronales comme on peut le constater, actuellement, à la suite de plusieurs dispositions de la loi de finances complémentaire relatives à l'organisation et au fonctionnement de l'économie. Les dernières mesures annoncées par l'Exécutif ont soulevé le tollé des différentes organisations patronales, notamment celle qui consiste à procéder aux opérations de dédouanement par les gestionnaires des différentes entreprises, alors que ces opérations étaient effectuées par les transitaires de ces entreprises. Si cette mesure consistait à contrôler les registres du commerce et mettre fin à l'anarchie des prête-noms ou des locations de registres du commerce pour effectuer des opérations d'importation, il aurait fallu lancer une campagne de contrôle pour mettre de l'ordre et débusquer les faux importateurs. Cette campagne aurait été menée par la DGE (Direction des grandes entreprises) pour les entrepreneurs relevant de sa compétence et les directions de wilaya, voire les inspections au niveau local pour les autres entreprises. Si tel n'était pas le cas, l'Exécutif aurait dû expliquer la portée de cette mesure et ne pas laisser les assujettis dans le silence total. C'est ce manque de communication des pouvoirs publics, comme indiqué ci-dessus, qui nous fait croire à une absence de stratégie des pouvoirs publics en matière de développement. L'autre mesure qui a également fait couler beaucoup d'encre concerne le paiement des importations obligatoirement au moyen du seul crédit documentaire supprimant, ainsi, le paiement au moyen de la lettre de crédit. Cette mesure nous ramène au temps de la disette du début des années 90 où l'Algérie était dans une situation très difficile, voire même en situation de non-paiement. Durant cette période, on devait payer toutes nos importations par crédit documentaire confirmé par une banque de premier ordre. Cette mesure ne manquera pas d'augmenter le coût de revient des produits importés, et c'est le consommateur au final qui en fera les frais. Cette mesure va plonger les petites entreprises en manque de liquidités vers des faillites certaines car elles ne pourront pas faire face à leurs engagements extérieurs avec la formule du crédit documentaire, alors que la lettre de crédit leur accordait des délais pour répondre à leurs engagements. Par ces mesures, l'Exécutif veut certainement cadrer les importations qui ont atteint un seuil très élevé (40 milliards de dollars sans les services) et réorienter les banques pour le financement des investissements et des biens d'équipements. Vues sous cet angle, ces mesures sont légitimes d'autant plus que les cours du pétrole sont bas et que les importations ne cessent d'augmenter au point de peser lourdement dans la balance des paiements. Ces mesures auraient été plus salutaires si l'Exécutif avait été sélectif dans ses décisions en distinguant les importations liées directement à l'appareil de production, qui participent au développement du pays, et les autres importations pour lesquelles un durcissement de la législation est nécessaire, tout au moins durant cette période où l'Algérie n'est pas encore admise à l'OMC et que l'accord d'association avec l'Union européenne est à son détriment. Si les produits et les sociétés des pays européens se trouvent en Algérie, Sonatrach trouve d'énormes difficultés à s'installer en Espagne et en France. Mohamed ALEM