“L'APN ne peut mettre en place une commission parlementaire d'enquête sur la corruption.” Pour s'interdire de fourrer son nez dans cette question, le représentant de la représentation nation invoque l'argument que “la lutte contre le phénomène n'est pas la mission d'une assemblée nationale” ! Et si cette surréaliste proclamation ne suffisait pas à justifier l'interdiction à la représentation nationale de se mêler du fléau qui menace les plus hauts intérêts de la nation et hypothèque son développement, le président de l'APN invoque “le sérieux” du sujet : “la commission d'enquête sur la corruption est quelque chose de très sérieux”, dit-il. Alors, la commission d'enquête en question devient possible à la condition, précise Ziari, que “cela soit voté en plénière et que la commission ne doit pas inclure les instigateurs d'une telle enquête” ! Un peu comme si le président faisait la concession d'une commission installée par la plénière parce qu'il est convaincu que la majorité serait hostile à une telle initiative. Puis, il semble ajouter une précaution supplémentaire au cas où, par miracle, elle viendrait à être mise sur pied : écarter les initiateurs de l'enquête de la composition de la commission. En plus de traduire l'absence de volonté politique quant à toute idée d'investigation autonome sur la corruption, les déclarations de son président replace l'Assemblée nationale dans sa juste prérogative : approuver les lois qu'on lui soumet, souvent sous forme d'ordonnances, et s'acquitter de ses fonctions protocolaires. Pourtant la Constitution stipule que “chacune des deux Chambres du Parlement peut, dans le cadre de ses prérogatives, instituer à tout moment des commissions d'enquête sur des affaires d'intérêt général”. Sans précision de procédure, ainsi laissée à l'appréciation de l'Assemblée. Le simple attribut d'intérêt général suffit donc à motiver la mise en place d'une commission d'enquête. Et la corruption renvoie bien plus que tout autre motif à la notion d'intérêt général. L'institution législative, faute d'être pouvoir législatif, est appelée à remplir les formalités constitutionnelles qui donnent une apparence parlementaire à une république autocratique. Le Parlement paraît ne pas vouloir prendre, sur le thème de la corruption, le risque d'un désaveu comme celui qu'il a essuyé au sujet de la proposition de loi “criminalisant le colonialisme”. Celle-ci ne sera pas au menu “ni de cette session, ni de la prochaine”, prévoit Ziari, histoire d'assurer que la polémique sur la “repentance ou la criminalisation” n'est plus à l'ordre du jour. Ici, aussi, il s'agit peut-être d'une “question très sérieuse” pour la confier aux parlementaires. À moins que ce ne soit les parlementaires qui ont outrepassé leurs prérogatives réelles. Jusqu'ici, les rares enquêtes parlementaires sont restées sans effet. En s'interdisant de s'intéresser à la réalité de la corruption, l'APN renonce, de fait, à sa fonction de contrôle parlementaire et, par suite, au contrôle populaire dont elle est l'expression. M. H. [email protected]