Une telle initiative aboutirait, au mieux, à démontrer ce qui est déjà une évidence : la dimension politique de la corruption que d'aucuns veulent occulter en présentant le phénomène comme un fait qui relèverait de la délinquance ordinaire. Il fallait s'y attendre : la demande de mise en place d'une “commission d'enquête parlementaire sur la corruption” signée par 25 députés n'est pas au goût de tous à l'APN. Les premiers à se braquer contre une telle proposition sont, eux-mêmes, des parlementaires qui, issus des partis de l'Alliance présidentielle, ne pouvaient que botter en touche. Il leur fallait un argument pour ce faire et ils l'ont vite trouvé. L'initiative est “politicienne”, décrète Seddik Chihab du RND, sans autre forme de procès. “La lutte contre la corruption est l'affaire de la société et de l'Etat”, lance Abdelhamid Si Affif du FLN. Comme si l'Assemblée nationale n'était ni partie prenante de la société ni une institution de l'Etat ! Une sorte d'ovni politique, autant étranger à l'Etat qu'à la société. Venant d'un parlementaire qui, de surcroît, est président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée, une telle sentence est de nature à désespérer les plus optimistes quant à la capacité du Parlement à assumer le rôle de contre-pouvoir et de contrôle de l'action du gouvernement qui lui est pourtant dévolu par la Constitution. Ces deux réactions en disent long sur le sort final de l'initiative des 25 : le même que celui réservé à la demande d'un débat général sur la corruption, introduite auparavant par le groupe parlementaire du RCD. Elles rendent comptent aussi et surtout de la soumission consommée du Parlement, dans sa globalité, au pouvoir exécutif. La corruption ? Le chef de l'Etat s'en occupe et les députés n'ont pas de raison de fourrer le nez dans un dossier aussi sensible, suggère en effet l'inénarrable Si Affif. Pourtant, à bien y regarder et à lire attentivement la lettre adressée au président de l'Apn, il s'agirait plus d'une mission d'information se fixant pour objectif de démonter les mécanismes de la corruption et moins d'une commission d'enquête dont le but serait de situer la responsabilité de décideurs, encore moins d'établir la culpabilité d'autres. Une telle initiative aboutirait, au mieux, à démontrer ce qui est déjà une évidence : la dimension politique de la corruption que d'aucuns veulent occulter en présentant le phénomène comme un fait qui relèverait de la délinquance ordinaire. Pour autant, la démarche des signataires de la demande, même si elle propose d'entrouvrir à peine la boîte de Pandore, ne pouvait que faire désordre sous le ciel bien tranquille de la Chambre basse.