L'Algérie, bien que n'étant qu'un pays exportateur d'hydrocarbures modeste, s'est toujours placée dans une posture prudente et même inertielle par rapport au développement à moyen et long terme de ses énergies renouvelables. C'est, en tout cas, ce qui ressort des objectifs à moyen terme en la matière fixés par la Commission de régulation de l'électricité et du gaz (Creg), eux-mêmes revus à la baisse par le ministère concerné. D'abord dans son dernier rapport portant “programme indicatif des besoins en moyens de production d'électricité 2010-2019”, la Creg a émis deux scénarii d'intégration de production d'électricité à partir de sources renouvelables. Le premier affiche une introduction de 8% de la production électrique en énergie renouvelable à l'horizon 2020, soit une capacité de 1 675 mégawatts (MW) représentant un gain cumulé de consommation de gaz de 3,6 milliards de m3. Le deuxième scénario prévoit une introduction de 6% seulement d'énergie renouvelable en 2020, soit 1 180 MW représentant un gain de 2,4 milliards de m3 de gaz. Mais le chiffre qu'il faudra retenir c'est celui du secrétaire général du ministère de l'Energie et des Mines dans son intervention lors du dernier Salon international des énergies renouvelables d'Alger d'octobre 2010, déclarant que “l'Algérie ambitionne de réaliser son programme énergétique à hauteur de 5% en énergies propres” au même horizon. Il faut quand même rappeler que cet objectif de 5% d'énergies renouvelables dans le bilan énergétique national avait été déjà fixé par la Creg, mais pour 2015. Cela ressortait, pour ceux qui souhaitent consulter la source, de son programme indicatif des besoins en électricité 2006-2015 de janvier 2006, approuvé par décision ministérielle n° 349 du 2 février 2006. Dans tous les cas, nous sommes loin du compte pour le moment avec 0,5% seulement d'énergies renouvelables dans le panier énergétique du pays. À titre de comparaison, l'Union européenne (UE) s'est fixé un taux de 20% d'énergies renouvelables en 2020 dans son bouquet énergétique contre 8% aujourd'hui. Alors qu'a-t-on fait de significatif dans ce domaine en dehors des panneaux solaires dédiés au résidentiel dans quelques régions montagneuses et désertiques du pays ? Un seul projet initié en novembre 2007 et qui entrera en production en janvier 2011 ; celui de Tilghemt à Hassi R'mel, mérite d'être signalé. Cette centrale électrique hybride solaire/gaz aura une capacité de 180 MW. Or, il faut savoir que pour réaliser l'objectif pourtant modeste de 6% d'énergies renouvelables à l'horion 2020, la Creg a calculé qu'il faut installer 235 MW/an, c'est-à-dire construire annuellement un projet d'une capacité de 1,3 fois plus grande que celle indiquée plus haut. Ce projet, réalisé par Neal, filiale de Sonatrach, Sonelgaz et du promoteur privé SIM, de capacité moyenne, est orienté vers la couverture des besoins locaux. Mais pour l'Algérie, s'associer à des mégaprojets d'électricité solaire destinés à l'exportation, tels que le projet Desertec qui est encore un prototype par la nouveauté des technologies proposées mais aussi par l'ampleur des financements requis, requiert une maturation approfondie, d'autant que les marchés européens de l'électricité ne sont pas prêts pour le moment à en accepter les niveaux de prix. Cependant, il faudra maintenir les connexions nécessaires avec ce projet mais aussi avec les projets concurrents ou complémentaires car la transition énergétique est bien là. Cela d'autant que l'Algérie dispose de l'expérience opérationnelle, technologique et commerciale des grands projets énergétiques transcontinentaux car elle a essuyé les plâtres des premières usines de gaz naturel liquéfié (GNL) et des gazoducs transcontinentaux vers l'Europe précisément. En revanche, à défaut de pouvoir générer pour le moment des productions significatives d'énergies renouvelables, rationalisons au moins nos consommations électriques et de façon plus générale nos consommations énergétiques car nous gaspillons beaucoup. Cela sera toujours cela de gagné. C'est pour cette raison que j'ai trouvé intéressante l'idée des organisateurs du dernier Salon international des énergies renouvelables d'y intégrer “les préoccupations majeures qui se rattachent à l'utilisation et à la maîtrise des énergies, aussi bien dans le domaine de la construction que dans l'industrie”. Pour une fois, ne laissons pas l'Agence de promotion et de rationalisation de l'énergie (Aprue) prêcher seule dans le désert. Depuis combien de temps l'Aprue appelle, sans être véritablement entendue, à la promotion du GPL comme carburant et met en garde contre l'utilisation excessive du gasoil (importé pour une part de plus en plus importante) dans le parc automobile algérien ? Depuis combien de temps cette dernière appelle à promouvoir un cadre bâti économe en énergie ? Malgré cela, elle maintient le cap avec le projet “Top-Industrie” soutenu par le Fonds national de maîtrise de l'énergie (FNME) portant notamment sur la réalisation de 150 audits énergétiques dans les cinq prochaines années. Il y enfin autre chose d'important et de prioritaire à faire : c'est l'élargissement de nos réserves de gaz naturel, y compris celles du gaz non conventionnel, car il est stratégique pour l'Algérie de faire reculer le plus loin possible les échéances de déplétion de ses réserves prouvées. Pour conclure, on voit bien que la problématique des énergies renouvelables nous renvoie à celle des hydrocarbures. Et réciproquement, car le financement des énergies renouvelables passe chez nous par un secteur des hydrocarbures performant. Pour combien de temps encore ?